Rap Machine
5.5
Rap Machine

Album de Disiz (2015)

Après la débandade nommée "Transe-lucide" d'il y a un an, venue gâcher une trilogie qui méritait mieux comme conclusion on le rappelle, l'ami Disiz continue sur sa lancée et nous offre dans la foulée sa nouvelle bombe, sobrement intitulée "Machine de rap". Éloignez les enfants, c'est du lourd. L'album confirme ma précédente critique sur tous les points et surtout sur le chemin qu'a désormais choisi d'arpenter Sérigne. Une voie pleine de superficialité, de niaiserie et de rien du tout. Car rarement un disque n'aura autant servi à rien et c'est précisément en cela que Disiz frappe fort : le gars continue d'asseoir sa "légende" et va au-delà de ses propres limites pour toucher un public qui finalement lui ressemble. C'est la persistance du vide, la machine à fric est en marche.



Money time shoot, oh, panier ! - Disiz



"Identité ou oseille, ce n'est que du papier" disait-il dans son "Extra-lucide" en 2012... Cette époque n'est pas si lointaine mais paraît pourtant tellement ancienne. Car avec ce nouveau disque le rappeur veut non seulement faire couler à flots le caramel ("faut bien que j’en profite, que je fasse du biff, non ?") mais trempe aussi dans cet égo-trip matérialiste que lui-même dénonce ("de l’argent autour du cou et j'compte mes gains. Je tue, non ?"). Résultat on s'endort parce que c'est grave chiant et ceux qui ont lu ma critique de "Transe-lucide" comprendront que rien n'a changé en une année. Ce n'est même plus utile de parler des incohérences dans les textes car elles se comptent par paquets de dix et sont de plus en plus grotesques — que ce soit avec ce nouvel opus ou avec les précédents — le MC ayant déjà perdu toute dignité depuis l'avant dernier album, en ayant totalement donné son cul aux radios et son cœur aux €uros. Et pour autant, comme dit plus haut, Disiz franchit véritablement un palier en matière de rap mongolien comme il le dit si bien dès le début dans "Basic Instinct", premier morceau qui annonce la couleur : "c’est du rap de gole-mon, j’ai besoin d’un calmant...". Passé maître dans l'art d'écrire pour ne rien dire et d'enchaîner les flunchlines, en espérant faire sourire l'auditeur hagard au coin d'une rime pauvre, on peut dire que Disiz s'est Booba-isé, ce qui est, on le rappelle, sa plus grande crainte. Sérigne devient encore un peu plus ce qu'il critique et perd alors le peu de crédibilité qui (ne) lui restait (plus).



Putain ça pue la merde et on me dit que ça sonne bien, ça sent comme si quelqu'un avait chié derrière un sapin - Disiz, inspiré



Avec "Rap Machine", Disiz se livre comme jamais. On apprend par exemple, dans le titre "Menace", qu'il n'aime pas trop 'Menace 2 Society' qu'il trouve édulcoré, mais lui préfère 'Boys In The Hood', plus street dans l'approche. Ou encore qu'il voulait sortir avec Jada Pinkett et qu'il faisait pitié… Il aimait bien Kim Basinger aussi (comme l'ami Gims !) dans "Un jour j'ai fait un tag", qui n'est pas le morceau le plus pourri mais qui contient son lot d'information de première main : on apprend ainsi qu'au moment de son premier tag il était tellement enthousiasmé qu'il en a oublié de manger! C'est une façon d'être hardcore parmi d'autres... Aussi, Sérigne nous dit qu'il a raté sa vocation et qu'il aurait voulu faire médecine s'il avait été un peu intelligent et moins paresseux. Il nous explique ensuite dans "Bitchiz" qu'il baisait beaucoup plus de meufs que toi car "il était trop beau" et que "les filles le sifflait dans la rue", mais que c'était aussi un bâtard, "une salope au masculin". On ne peut alors plus s'empêcher de faire des liens avec la fameuse phrase du D.U.C de Boubou : "si j'étais une meuf, j'serais une salope matérialiiiiiiste!". Il espère que "ses petites pupuces ne deviendront pas des salopes".



Si j’avais été une meuf, on aurait dit qu'j’étais une BIATCH ! - Disiz



En fait, la principale différence avec "Transe-lucide" est que cette fois Disiz admet lui-même en interview qu'il rappe désormais pour faire de l'argent et que "Rap Machine" est un calcul. Il en résulte des titres comme "Abuzeur" ou "Oto-Moto" qui ne sont pas sans rappeler "Kamikaze" ou "Burn Out" (car OUI, il s'était déjà transformé en timp sur "Transe-lucide" même s'il avoue la chose qu'avec ce dernier disque). Le principal but est donc de faire du biff et bien sûr, ça s'entend rapidement. Alors certes, il est père de quatre gosses et doit remplir le frigo... Mais faire son "grand retour" en se vantant d'être différent, marteler sur tous ses sons qu'il n'est pas comme tous les autres pour ensuite enfumer son monde une fois qu'il s'est refait une place au soleil, c'est juste prendre les gens pour des cons. Enfin sachez qu'en achetant l'album vous permettrez à ses enfants d'avoir accès à la culture : "leur acheter des livres avec l'argent gagné".



Vouloir faire de l'argent, c'est ça, la vraie maturité. - Disiz, lucide



Concrètement, Disiz a voulu jouer sur la nostalgie avec cet album, en racontant son adolescence avec ses yeux de "vieux" de 37 ans. Tout y passe : les thèmes plus que légers (la comparaison de films sur un morceau entier, les storytelling inintéressants, le morceau sur les bitches, le morceau de lover pour les meufs, le morceau pseudo-profond, le morceau pour radio, le morceau de merde, etc...) jusqu'à la pochette de l'album, sensé être très nineties. Pour faire rapide, c'est mal branlé et complètement malvenu ! Et souvent même assez gênant... car savoir jouer sur la nostalgie n'est pas donné à tout le monde et même si "Rap Machine" a au moins le mérite de proposer des instrus fameuses et digne du thème (quoi que, mettre de la trap-music dans un disque hommage au rap nineties ça reste très spécial), le gars qui pose dessus les gâches toutes à la chaine. Ce n'est ni recherché, ni bien rappé et le choix des angles pour développer ses idées est juste inopportun. J'avais déjà noté cette volonté qu'a Disiz d'essayer de capturer l'essence qui faisait la force de son premier disque — son seul vrai succès commercial —, cette fulgurance adolescente vulgaire et spontanée, pour la transposer sur "Transe-lucide" puis surtout sur cet album, mais il faudra qu'il percute enfin qu'il n'est plus tout jeune et que faire une redite de ses débuts à 37 ans en étant passé par toutes sortes de styles différents, c'est juste s'accrocher au passé et se rendre ridicule. L'époque de "Poisson Rouge" est révolue depuis un moment !



Rapper aujourd'hui c'est simple : il faut juste enchaîner des mots - Disiz, autocritique



Certains diront que je m'acharne contre Disiz mais je continuerai toujours à juger ce qu'il fait en comparaison de ce qu'il a pu faire de mieux par le passé et surtout sur son "Extra-lucide". Parce qu'élaborer un album en pensant à la scène est une chose mais faire des morceaux de scène n'est pas forcément synonyme de bâclage :"Oto-Moto", "Abuzeur", "Basic Instinct" (je m'arrête là ou bien je cite pratiquement tous les titres) sont des morceaux de fainéants pour fainéants et j'aurais été clément s'il y avait eu autre chose à se mettre sous la dent. Mais ressortir de plusieurs écoutes en n'ayant strictement RIEN reçu en retour est un sentiment désagréable. C'est nul, c'est chiant et c'est sans intérêt. Pire encore, il fait vieux jeu et se ridiculise tout seul lors de ses vaines tentatives de "toucher" l'auditeur avec un vocabulaire d'une pauvreté extrême et des rimes dignes d'un enfant de l'âge de ses gosses. Bonjour tristesse. Faîtes-vous un cadeau et mettez-vous un vrai disque de rap, la vie est trop courte pour écouter des merdes pareilles...

Smay
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le 6 juin 2015

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