Le roi des pirates

Macroblank fait partie du Youtube-core, un mouvement musical assez original dans le sens où il a vu le jour pendant l'âge d'or de la vaporwave, un genre musical unique, basé sur une nostalgie des années 80/90, de l'enfance, et une appropriation de la culture visuelle nippone. Le Youtube-core est alors un mouvement musical basé sur un système de références de memes, de perdition dans les arcanes de YouTube, et de vidéos recommandées.

La pionnière de ce mouvement, Macintosh Plus, sortait en 2011 Floral Shoppe, un album fondateur du mouvement musical qui allait devenir la vaporwave, aux esthétiques roses, rappelant le miami idéalisé de Vice City, néons, espaces liminaux, kanjis... Et bustes de marbre. Drôle de mélange, pourtant, dès les premières notes, la magie opère, et l'on se retrouve noyé.e dans une marée de nostalgie primaire (vécue) et secondaire (interprétée via des représentations idéalisées d'une époque non-vécue). La musique et l'esthétique vont de pair pour créer un style musical à part, qui se vit en même temps qu'il s'ecoute.

Très vite, la scène YouTube Vaporwave est saturée de projets de qualité médiocre. Dans le fondement de la musique vaporwave (et sous-catégories), on retrouve des samples plus ou moins méconnus, modifiés, ralentis, avec une texture de son retravaillée pour être etouffée, rappelant la musique que l'on entendait enfants dans les centres commerciaux, lointaine, un peu inquiétante, mais témoin sensoriel d'une enfance révolue. Dans ce cadre, de nombreux.ses "artistes" ont publié des projets par dizaines, peu avaient un quelconque intérêt, il y avait parfois des musiques ralenties, passées sous un filtre cascade, bref, un sacré boxon ou chacun.e se pensait le ou la futur.e artiste de la génération.

Dans ce chaos ambiant, quelques artistes ont réussi à imposer leur style, par une maestra musicale (Blank Banshee par exemple) ou par une identité artistique extrêmement située (Saint Pepsi avec son univers construit autour des anciennes pubs Pepsi, couplé d'une vraie finesse musicale, empruntant un peu partout, à la house, la disco, et aux sous mouvements vapor).

Macroblank, auto-qualifié de "plunderer" (pilleur), est alors un producteur plus que prolifique, qui a surtout fait son trou sur (feu) Bandcamp, plateforme moins regardante sur les droits d'auteur. Ce qui tombe bien pour notre musicien mystère, car comme The Avalanches, Macroblank est un Serial-sampler. Certains diront que c'est un voleur, un filou qui retape des musiques inconnues pour son propre compte. Pourtant, l'intégralité de sa disco est disponible sur Bandcamp pour une bouchée de pain (littéralement). Et tout comme the Avalanches, Macroblank est pour moi un monteur de génie, il s'approprie les samples, souvent originants de musiques instrumentales, bossa-nova, et jazz, prend la matière brute d'anciens morceaux tombés dans l'oubli pour en sortir des véritables pépites, des objets musicaux nouveaux.

Macroblank transcende le genre de la vaporwave en tant que concept pour véritablement donner ses lettres de noblesse à un style de musique délaissé et uniquement perçu comme un meme. Les samples se chevauchent, guidés par une percussion lancinante, maîtrisée, créant alors une ambiance qui perdure tout au long d'un album, qui s'écoute en entier, sans choisir une chanson particulière. Tout le principe du Youtube-core est en effet de consommer de la musique de fond, pour pouvoir se concentrer sur autre chose, sans avoir à prendre en considération la musique. Pourtant, Macroblank passe au dessus de la simple musique d'ascenseur ou radio lo-fi 24/7 et propose véritablement des albums extraordinaires, au delà du bruit du fond souhaité par le genre musical.

Je vous invite chaudement à prendre un bon casque, et vous poser une heure pour écouter un album, ou deux, ou trois, y'en a pour tous les goûts, et pour des années.