Enregistreur de vol, ne pas ouvrir
Si Rammstein (et surtout l’album Reise, Reise) a une place particulière dans mon cœur, c’est parce que c’est mon premier « vrai » souvenir musical où j’ai ressenti quelque chose de fort. J’avais 12 ou 13 ans. Et ce n’était pas de l’attirance que j’avais pour cet album, c’était autre chose. Un son vraiment étrange que je n’avais jamais entendu auparavant. On aurait dit… une usine. Oui, c’est ça, une usine où chaque machine est en fait un instrument (ou inversement). La guitare sonnait lourde, martiale, répétitive, mais très corrosive. Le clavier n’était pas là pour poser des notes bien distinctes, mais pour créer des nappes sonores. Et la voix, grave, chantée en allemand, rendait le tout d’autant plus étrange que l’on n’avait pas vraiment l’habitude d’entendre cette langue dans la musique, surtout avec cette manière particulière de chanter (écoutez Mein Teil). Bref, il s’est passé un truc en moi, et ce n’était pas agréable. Oui, les gars de Rammstein avaient bousculé mes habitudes et m’avaient fait réagir. Ce fut la porte ouverte à tout un univers qui ne me quitte plus depuis. Et la musique alors ?
Il y a un avant et un après Reise, Reise. C’est une sorte de scission entre les fans de la première heure et les autres. Sur les trois premiers albums, on avait affaire à une musique répétitive, martiale et froide. Mais Reise, Reise apporte son lot de grandeur, un côté « opéra » et surtout une production impeccable. Trop, selon ses détracteurs. Et je ne peux pas leur donner tort, mais c’est exactement ce que j’aime : cette surproduction à outrance où chaque son est calculé, voire précalculé. Chaque grain de poussière est placé à un endroit qui lui est propre. Cela rend l’album très riche, mais aussi très artificiel. Paradoxalement, c’est ce que je reproche à certains groupes : on oublie que la musique vient des tripes. Mais revenons à notre album.
On commence avec le voyage d’un marin (belle métaphore que je n’expliquerai pas). D’ailleurs, Reise, Reise signifie « voyage, voyage », oui, comme Desireless. Puis Mein Teil, un fait divers pour le moins… sordide. L’une des pistes les plus bizarres, mais aussi l’une des plus intéressantes. Ensuite, vient Dalai Lama, une réinterprétation d’un poème de Goethe (Le Roi des Aulnes), à la sauce Rammstein. S’ensuit Keine Lust, une piste qui m’a vraiment mis mal à l’aise à ma première écoute (c’est devenu ma préférée). L’album avance et on arrive petit à petit vers Morgenstern, qui commence avec des voix lyriques presque grégoriennes (d’où le côté « opéra »). Stein um Stein, une ode aux sons dissonants, fait percer les tympans avec de petits harpons qui restent bien en tête. Vient ensuite la ballade qui m’indiffère et pourtant, c’est probablement la plus connue. Et enfin, Amour, une pseudo-ballade lancinante, morne, froide, qui se termine par une apothéose où Till, le chanteur, nous hurle dessus.
Fin. C’était un joli voyage.
Sans être un chef-d’œuvre, cet album parvient pourtant à me le faire croire. Il m’accompagne depuis très longtemps. Je connais chaque note, chaque accord, et chaque grain qui font le sel de cet opus, qui m’émerveille encore et toujours.
Mes coups de cœur vont aux chansons :
- Mein Teil : pour son aspect bizarroïde, ce roulement corrosif durant les couplets.
- Keine Lust : pour son intro (et tout le reste, en fait ! J’adore vraiment cette chanson).
- Stein um Stein : pour le malaise qu’ils maîtrisent durant toute la piste.
- Amour : pour ce crescendo d’une efficacité sans égale (une piste sous-estimée).
- PS : il y a une piste cachée, mais alors vraiment bien cachée. Bon courage !