Porté par un morceau d’introduction incroyablement intense, le single «3WW», le nouvel album d’Alt-J, Relaxer, est une petite pépite. Il y a comme un air de force tranquille qui émane de ce disque, le 3ème du groupe. Nul doute, la formation originaire de Leeds tend désormais les bras à une postérité qu’elle n’a plus qu’à dessiner elle-même.
Les trois larrons anglais ne s’en cachent pas, l’entièreté de l’enregistrement n’aura pris que quelques mois. Cinq précisément ; de août 2016 et le début du process d’écriture jusqu’à janvier 2017 et le mastering final, Alt-J a conçu une fois de plus un album fort et à leur image. «On écrit ensemble depuis le début et on n’a jamais changé la manière dont on procédait pour le faire. On travaille d’un commun accord car c’est, à notre sens, la meilleure manière de faire ce qu’on souhaite. On s’est beaucoup disputé sur le premier album, mais le temps a ses vertus et veut que l’on se comprenne mieux que jamais désormais.» De quoi tiquer quand on connaît les textes d’Alt-J, une problématique se dessine déjà : Depuis ses débuts le groupe est garant de paroles aussi influencées que référencées. Des références que ses membres ne partagent évidemment pas toujours, chacun ayant son propre bagage, ses propres expériences, ses propres succés mais aussi ses propres doutes. Le groupe y apporte une réponse somme toute logique : «On s’explique toujours tout, les jeux de mots, les citations, les univers que l’on veut mettre en avant. Ca nous permet de ne pas se perdre en cours de route.»
Leur premier album, porté par le single « Matilda », présageait déjà ce mode de fonctionnement. Outre la référence au film «Léon» de Luc Besson, une influence qu’ils avouent commune pour une fois, ce single à l’instrumentalisation atypique portait déjà l’empreinte caractéristique du groupe : faire comme bon lui semble.
Une liberté qu’il n’aurait jamais eu sans son label, Infectious Records, qui a laissé carte blanche aux membres d’Alt-J depuis le début. « On leur doit beaucoup, il nous ont toujours laissé une grande liberté créative, mais aussi économique.» L’identité graphique de ce troisième album en atteste : le groupe a décidé de s’inspirer de «LSD: Dream Emulator», un jeu vidéo sorti en 1998 sur PlayStation 1, et tiré d’un journal de rêves tenu durant une décennie par un graphiste de Asmik Ace, le studio à l’origine du jeu. La pochette de Relaxer est un screenshot du jeu vidéo en question. On retrouve d’ailleurs d’autres screenshots dans le clip du single «3WW», et le site internet du groupe héberge actuellement un jeu de la même trempe où se dévoile ce que l’on appellerait des Easter Eggs au cinéma, tous en lien avec l’album avec notamment des paroles, des photos ou des enregistrements audio, une visite qui consumera facilement trois heures de votre temps.
Une liberté de création donc, sur laquelle le groupe pose un regard lucide : «Si on ajoute à la présence du label l’aide et le dévouement de notre producteur Charlie Andrew, on peut dire qu’on a eu beaucoup de chance d’avoir été si bien entouré dès le début par des gens qui nous ont soutenus sans porter de jugement.»
On imagine aisément une équipe soudée derrière un groupe encore jeune et qui ne comprend pas toujours comment ils ont su en une paire d’années cumuler la vente de 2 millions d’albums, comptabiliser 2 milliards de streams ou remplir l’O2 Arena de Londres, le Madison Square Garden de New-York et le Zenith de Paris dans la même tournée. A l’aube d’une tournée de 30 dates en deux mois et demi, le groupe relativise : «On se comporte comme des gens lambda en tournée, comme si on partait en vacances. On s’occupe banalement entre les balances, les shows et les transits entre les villes. On essaie de rester humbles car on sait que c’est la clé du succés.»
On veut bien vous croire.