Thy Catafalque, désormais n'équivaut plus qu'à un seul nom : Tamás Kátai. Cet homme a déjà officié dans un bon nombre de projets depuis déjà 1994, mais aucun n'a jamais autant décollé que celui-ci, la récente arrivée chez Season of Mist y étant peut-être pour quelque chose. Ceux qui ne connaissent pas Thy Catafalque auront du mal à comprendre Rengeteg, et c'est normal : la musique du groupe se présentant initialement comme du black metal ambient tout ce qu'il y a plus de plus hongrois, elle a évolué peu à peu vers quelque chose de plus electro, folk et avant-garde. Mais ça, c'est ce que tout le monde dit déjà.
La puissance de Rengeteg vient réellement du fait que la musique véhicule un message a priori convenu, mais elle le dit si bien que le message prend des proportions grandioses. Que peut-on trouver de plus convenu pour un album de « post-black metal » (si on accepte le terme) que de s'appeler Rengeteg ? (comprendre « vaste forêt / forêt sauvage ») A vrai dire pas grand chose, surtout lorsqu'on pose les oreilles sur le premier morceau, « Fekete mezők », dont le riff premier semble être dépourvu de toute originalité. Grosse guitare, gros son, ça tache, ça fait du bruit, super, du metal en somme. Puis vient une voix un peu étrange, et le morceau se développe peu à peu, chantonnant un refrain entêtant au timbre clair, évoquant un folklore, que ce soit dans la mélodie ou la manière de chanter. Et puis tout part un peu à l'orée du bois, les éléments electro finissant d'achever l'auditeur inaverti. « Qu'ai-je écouté ?» se demandera le profane, « La lumière ».
A l'image de l'artwork de l'album, Rengeteg se compose en dent de scie. Il n'est pas question de qualité, mais de rythme. L'album est vraiment découpé en deux parties, scindé par l'incroyable « Vashegyek », la piste de quatorze minutes, d'une progression incroyable, tantôt menée par la superbe voix de Ágnes Tóth, tantôt déchirée par la profonde dualité qui anime Thy Catafalque : le côté gros son aux rythmiques diaboliques et efficaces qui s'oppose aux sonorités douces et sereines du clavier et même du violoncelle de Mihály Simkó-Várnagy. La composition progresse avec brio, monte et descend, amenant un dépaysement total, dans une Hongrie profonde ou bien une Ecosse lointaine, puisque Kátai a passé une partie de l'enregistrement de Rengeteg dans les régions esseulées d'Ecosse. Toutefois, si « Vashegyek » est réussie, c'est bien grâce à la composition de l'ensemble de l'album, alternant efficacement entre moments calmes et apaisants (les parties de violoncelle de « Kő koppan », l'ambiance si fine et cristalline de « Az eső, az eső, az eső »...), et les deux pépites brutes qui délimitent l'album (« Fekete mezők », un démarrage totalement in media res et « Minden test fű », alias la boucle est bouclée).
Le précédent album de Thy Catafalque était peut-être moins acessible, dû à ces deux gros monstres de onze et dix-huit minutes respectivement qui ouvraient l'album et se poursuivait par quelques morceaux bien plus raisonnables en terme de durée. Rengeteg, quant à lui, reste clairement plus accessible, mais pas moins profond et dépaysant. Le voyage est différent, mais la destination est la même.