Revival, c’est l’histoire d’un deuil long de presque une décennie. On va dire que c’est un moyen détourné de ne pas tout de suite dire que c’est de la merde, ce qui ne change rien au fait que : c’est de la merde. C’est pire que ça : c’est une descente aux enfers qui est entamée dès le cinquième titre, ce qui veut naturellement dire que je suis clément envers le politique Untouchable et sa première partie de très mauvais goût.
L’ironie est une pétasse. Eminem traverse une crise artistique, il en est parfaitement conscient, et c’est justement lorsqu’il commence à se remettre en question qu’il balance l’un de ses pires albums. C’est d’autant plus ironique que sur les 3 premiers titres, il donne presque la sensation de se renouveler, de tenter des choses. Walk On Water marche plutôt bien avec son approche simpliste, pendant que Believe et Chlorasmetic versent dans une forme de Trap maladroite, mais qui parvient tout de même à fonctionner. Et c’est justement quand l’espoir revient que tout s’effondre. D’un coup.
Cet album, c’est la déconstruction d’un mythe, la démystification d’un dieu. Ce n’est même pas de la Pop. C’est de la soupe produite par des mecs qui sont, de la manière la plus RADICALE possible (et cela même si la notion de radicalité n’est pas quantifiable), TOTALEMENT (redondant, mais je m’en tape, vous allez comprendre où je veux en venir) MUSICALEMENT (un adverbe de plus, j’en rajoute une couche) INCOMPATIBLE avec celui qui répond au patronyme de Marshall Mathers.
- Alex Da Kid (celui qu’on doit remercier pour Bad Husband, Tragic Endings et Need Me) c’est plus possible. Arrête de composer, pour le bien de l'humanité. S'il te plait.
- Rick Rubin, t’es une idole pour bon nombre de personnes et à juste titre. Sauf que tout ce que t’as fait avec Eminem jusque maintenant, c’est juste une bonne raison pour se crever les tympans.
- DJ Khalil, t’as composé un seul titre (Castle) et c’est déjà de trop. Tu comprends ce que ça veut dire ? Je ne sais pas, fais comme Mase, devient Pasteur et arrête de nous emmerder.
Je n’arrive pas à croire que personne dans l’entourage du rappeur ne soit capable de lui dire « Écoute, ça le fait pas. C'est pas bon ». On parle quand même de producteurs qui ont été capables de se planter en samplant Zombie des Cranberries et I love Rock’n Roll de Joan Jett & The Blackhearts. Dans quel univers est-il possible de se planter à ce point ? Je leur jette la pierre, mais il ne faut pas non plus perdre de vue que le principal fautif derrière ce fiasco, c’est celui qui est derrière le micro.
Le même mec qui écrivait avec hargne :
« Sick sick dreams of picnic scenes
Two kids sixteens with M'16's
And ten clips each and them shits reach
Through six kids each
And Slim gets blamed in Bill Clit's speach
To fix theses streets
Fuck that! »
n’existe plus. Rien n’est vraiment politique, tout est d’une banalité affligeante.
Le même mec qui crachait avec insolence :
« Blood, guts, guns, cuts, knives, wives, nuns, sluts, Bitch I’ma kill you ! »
n’existe plus. Tout est blanc, plus rien n’est noir.
Le même mec qui était drôle et impertinent :
« Oh, you want me to watch my mouth
How? Take my fuckin’ eyeballs out and turn them around »
n’existe plus.
Le pire, c’est que ce n’est plus vraiment un problème. Personne n’attendait de retrouver ce blond peroxydé qui menaçait de violer sa mère. Le Hip Hop avait juste besoin de pouvoir regarder une dernière fois cette légende vivante en se disant « Il est encore et toujours le seul à pouvoir faire ça. »
Note :
Descente aux enfers /10
C’est un album médiocre, mais ce passage est quand même attendrissant :
« It’s true, I’m a Rubik’s – a beautiful mess / At times juvenile, yes, I goof and I jest / A flawed human, I guess / But I’m doin’ my best to not ruin your expectations » - Walk On Water
C’est triste à dire :
Paradoxalement, les artistes présents sur les featuring (Beyoncé, Phresher, Khelani et Pink) s’en sortent mieux que le principal concerné. Histoire de cimenter encore plus cet accident artistique.