Revolver
8.1
Revolver

Album de The Beatles (1966)

Force critiques décernent à "St Peppers" le titre de chef-d’œuvre absolu, l'album qui s'éternise au sommet de l'Everest de la discographie de tous les temps. Et pourtant, "Revolver" est le joyau révolutionnaire musical des années soixante ! Si les Beatles n'avaient pas brillé précédemment dans les paroles de chanson, "Révolver" dégaine des thèmes qui s'écartent des chansons pour adolescents (les fameuses silly love songs de Paul McCartney). Le sixième album des Beatles opère un virage à 180 degrés, et ceci, dès la première chanson, dans laquelle Georges Harrison se plaint d'être taxé à 50% ("taxman"). "Eleanor Rigby" nous ramène au temps de Charlotte Brontë, une Angleterre vétuste et mélancolique. John Lennon nous parle de son envie de dormir, il est philosophe sur la chanson "she said, she said" : " tu me donnes l'impression de n'être jamais né". Dans la dernière chanson "tomorrow never knows"; le Beatle à lunette nous conseille de vider nos pensées, de nous détendre et de descendre dans le courant.
Cette œuvre musicale, - unique en son genre- forte d'une seule note, le do majeur, est une litanie psychédélique engendrée par des boucles sonores extatiques. Le LSD est quasi omniprésent dans l'album ("Dr Robert", "got to get to you into my life", "tomorrow never knows", "good day sunshine"), ce qui fera dire à John Lennon que si "Rubber Soul" était l'album de l'herbe, "Revolver" est celui de l'acide.
Si les Beatles font la part belle aux chansons à thème : la solitude dans "Eleanor Rigby", et la taxation dans "taxman" ou introspectives : "she said she said", "i'm only sleeping", "got to get to you into my life") deux chansons d'amour signées Paul Mcartney, de haut vol, marquent profondément l'auditeur. La première, "here there and everywhere", élégiaque, planante et relaxante est un hommage aux Beach boys, la deuxième, "for no one", est empreinte d'une tristesse pudique. Dans cet opus, l'économie des mots est remarquable pour décrire la solitude de celui qui a perdu l'être aimé : « your day breaks, your mind aches » (ton jour se brise, ton esprit souffre).
Musicalement, Revolver fait un bond en avant. McCartney convoque un octuor à cordes pour son "Eleanor Rigby". "I'm only sleeping" est l'occasion de découvrir des sons inversés (le son psychédélique est né !), des cuivres sur "got to get to you into my life" (les Beatles adoraient la musique noire américaine), un cor anglais sur "for no one" et des boucles sonores sur "tomorrow never knows."
Le studio est devenu un lieu d'expérimentation musicale que la scène ne peut offrir. Mais la conception de cet album sonne le glas des concerts à travers le monde du groupe liverpuldien. Plus jamais les Beatles ne voudront se produire en public (à l'exception d'une vingtaine de minutes sur les toits d’Abbey road en janvier 1969).
Revolver est malheureusement le début de la fin de la cohésion du groupe. Une dispute empêche McCartney de participer à l'enregistrement de "she said she said" (son jeu de basse manque au morceau). À l'écoute de "Dr Robert", "good day sunshine", "for no one", "I'm only sleeping", on a de plus en plus l'impression d'écouter des œuvres solo sous le label d'un groupe mythique. Exception : "Yellow Submarine", où les efforts mis en commun donnent à cette comptine une pléthore de sons venus du fond de leur imagination, créés dans leur fameux studio Abbey road.
Désormais, à la suite de ce disque, pour la première depuis le début du groupe, les Beatles vont prendre de longues vacances, pour ne se retrouver, qu'en janvier 1967, et se lancer dans une aventure studio encore plus ambitieuse…

alinoa
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le 9 mars 2019

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