"J'ai cru que j'allais chialer tellement j'étais heureux, si vous voulez savoir".
Salinger a donné à son unique roman une voix inoubliable, intemporelle, celle de Holden Caulfield, un ado de 17 ans, à l'intelligence rare, d'une lucidité sans pareille.
Il ne passe pas grand chose mais l'essentiel: les tumultes d'un jeune homme en quête à des questionnements existentiels. Certains diraient qu'il est mal dans sa peau, qu'il est psychotique ou arrogant.
Moi je dirais qu'il est profondément humain. Ne supportant pas l'hypocrisie des hommes, il devient dépressif. Ne supportant plus la folie new-yorkaise avec son lot de consumérisme, il veut habiter une cabane (il a 20 ans d'avance sur les premiers hippies!).
Caulfield n'a d'amour à dépenser que pour ses proches, à commencer pour sa petite soeur Phoebé, son alter ego. Intelligente, hypersensible, elle veut le suivre n'importe où, c'est le grand-frère qu'elle ne veut pas perdre (la perte du grand frère Allie est une litanie tout au long du laïus).
C'est vrai que sa caboche est en ébullition, qu'il analyse tous azimuts, tout ce qui le chiffonne : ses pairs, les maquereaux, les nones, les filles de son ex bahut, ses profs et sa famille.
Chaque chapitre est un tableau, le roman est une pièce de théâtre - d'ailleurs Salinger a voulu en faire une pièce de théâtre avant le roman- qui déploie des scènes d'errance - lesquelles, en réalité, n'en sont pas. L'errance, c'est l'absence de réflexion, sa fugue, c'est une quête de soi, un refus des diktats de la société. C'est quasi une révolution, cette volonté de dire non à cette société qui l'oppresse, qui l'étouffe, qui le rend fou.
Ce trop plein de sensibilité et de lucidité lui rend la vie insupportable. Ses relations en deviennent invivables. Quand tant d'autres garçons se satisferaient d'un flirt avec une belle lycéenne, lui, il avoue, qu'il crève de mal être dans ce New-York sans âme.
Bref, un roman qui vous arrache le coeur, agaçant parfois, comme peuvent l'être tous les adolescents rebelles et révoltés.