Abracadabra
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Je ne pense pas vraiment qu'une critique de plus soit utile dans le flot d'éloges dithyrambiques sur cet album, mais permettez-moi d'y ajouter ma touche.
En début 1966, c'était la Guerre de l'Atlantique. Il faut dire que, depuis l'année dernière, l'Amérique bouillonnait d'expérimentation musicale. Outre le jazz, où Coltrane avait fait un trou dans la toile du style modal, le pop-rock commençait à s'émanciper des convenances, avec les Beach Boys en première ligne. En effet, si leur album Pet Sounds, sorti en Mai 1966, avait décontenancé leur public américain, elle avait conquis nombre de fans en Grande-Bretagne, et les éloges de Paul McCartney sur cet album, des années plus tard, révèle bien en creux l'inquiétude des Beatles à devenir démodés. Qu'à cela ne tienne, c'est par Revolver qu'ils répondent. C'est probablement un K.O à la seconde manche, du coup. Parce que cet album a une fraîcheur incroyable comparé à leur précédent opus : déjà connus, même dans leur période pop sucrée, à une certaine dose d'expérimentation, les Beatles vont, ici se réinventer totalement. Plusieurs exemples :
-Love you To emprunte allègrement aux sons de l'Inde, en prouve le sitar utilisé par Harrison. Le fait de lorgner sur l'Orient ne date pas des Beatles : Yusef Lateef, Coltrane déjà cité, Eric Dolphy se trouvaient déjà dans cette voie dans le Jazz. Mais rarement, à cette période, un groupe populaire, de pop-rock britannique qui plus est, n'aurait essayé de jouer de la musique dont la composition cryptique est à des années lumières de la musique occidentale.
-Les titres qu'on pourrait considérer comme "pop" (et encore ...) comme Good Day Sunshine ou encore For No One étirent constamment leurs mélodies vers d'autres horizons. Alors que le premier, par ses changements tonaux et son utilisation forte des harmonies vocales, semble presque préparer le terrain pour Sgt Pepper, le second utilise une structure à la basse empruntée quelque peu au baroque.
-ENFIN DES CHANSONS SANS SUJET D'AMOUR DEBILE ! Je suis désolé de le dire comme ça, mais c'est principalement pour cette raison que je n'écoute pas les albums des Beatles de 1963 jusqu'à Help !. Il y a à ce point de pop sucrée dans ces albums que j'en ferais du diabète. En revanche, ici, on a une critique du système fiscal britannique, (Taxman), une chanson sur la solitude (Eleanor Rigby), une rapide histoire sur le manque de communication dans un couple (For No One), les tribulations d'un esprit sous acide (Tomorrow Never Knows), et j'en passe. Non seulement il y a maturité artistique, mais aussi lyrique, et c'est tant mieux pour mes pauvres oreilles.
-Tomorrow Never Knows. Juste ce titre. Il aurait toujours été en avance sur son temps s'il était sorti en 1973, à la même année que Larks Tongue's In Aspic. C'est dire à quel point le titre est d'avant garde. Utilisation d'échos, sons éthérés, batterie obsédante, voix réverbérée, (synthé ?), sons assez empruntés à l'Inde, musique électronique avant l'heure ... En fait, j'aimerais bien imaginer ce que pensaient les auditeurs lorsqu'ils sont tombés sur ça. Du coup, si vous l'aviez écouté durant les belles années des Trente Glorieuses, de la Guerre de Six jours et du Vietnam, je suis preneur :)
Autant dire qu'après ça, les Beach Boys auraient du mal à pouvoir tenir la barre. L'incroyable projet Smile du même groupe s'est écroulé en 1968 après que Brian Wilson en ait eu marre de tout faire tout seul (les aléas des travaux de groupe ^^), achevant de fait une rivalité artistique. Mais le coup était lancé. L'empêcher était inutile. Quand les Beatles allaient se séparer dans les premiers mois de 1970, Yes, King Crimson, Pink Floyd, tous ces groupes qui devaient énormément à Revolver, allaient prendre la relève du chemin que les Fabulous Four avaient merveilleusement tracé. On n'arrête plus le progrès(sif) ...
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Créée
le 16 janv. 2021
Critique lue 288 fois
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