Prêt pour un voyage au fin fond de la province, dans un village que vous connaissez peut-être, avec l'un des chanteurs français les plus talentueux de ces dix dernières années ? Car c'est bien ce que vous propose Florent Marchet dans cet album concept, un voyage, dans l'espace mais surtout dans le temps, une enfance et une adolescence qu'a peut-être connu l'auteur, qui a grandi dans le Berry, ou peut-être pas, comment tu veux que le sache, en tout cas c'est si bien narré qu'on pourrait le croire. Un voyage donc, pas forcément tentant, dans une petite bourgade de province classique, coincée entre son bar PMU, son bureau de poste fermé le mercredi, son terrain de pétanque et son club de scrabble. Un voyage qui sent le blé fraîchement taillé, la colle Cléopâtre, et probablement l'apéritif consommé avec une modération toute relative.
Un album qui évoque donc l'enfance passée à la campagne, mais sous la forme d'un flash-back, l'oeuvre racontant plutôt la vie d'un jeune adulte probablement parisien qui régulièrement, et à reculons, reviens passer le bonjour à ses vieux parents qui eux sont restés à Rio Baril. Et on comprend qu'il y renâcle, car les monceaux de souvenirs disséminés dans les chansons témoignent d'une enfance malheureuse, violences conjugales et autres joyeusetés à la clé. Souvenirs lourds pour le narrateur, qui se démène pour équilibrer leur poids écrasant et sa nouvelle vie loin de Rio Baril. En découle un album noir, triste, qui ferait passer Joy Division pour la compagnie créole, qui peut dérouter. Mais comment ne pas être touché par la beauté de la violence ordinaire, sale, racontée avec une distance apparente par la voix incroyable de Florent Marchet.
Pour raconter cette histoire tragique, en plus de ses paroles toujours justes et d'une instrumentation de qualité, enregistrée presque intégralement dans le Berry, le chanteur est accompagné d'un orchestre, et d'interprètes de renom, Philippe Katerine et Dominique A, dans les premiers à lui faire confiance. La critique suivra, mais dans une mesure toute relative : Télérama accuse une voix froide et une ironie glaciale qui finissent par indisposer (1), tandis que le prix Constatin lui échappe pour la deuxième fois. Pourtant, 8 ans plus tard, Rio Baril est considéré par certains (dont je fais partie) comme le meilleur album français des années 2000. Une juste reconnaissance qui n'est à mon humble avis pas encore totalement rendue. Partagez-donc cet album autour de vous, à ceux qui ne le connaissent pas encore, que ce soit fait.
(1) http://www.telerama.fr/musiques/rio-baril,16767.php