Didier Super se repaît de la lie de l’humanité, c’est son fonds de commerce. Qu’il soit parvenu à élever ce concentré de bêtise crasse au rang d’art (cf. ses albums Vaut mieux en rire que s’en foutre et Ben quoi ? et ce Rire une dernière fois avant la fin du monde très réussi) est un exploit en soi, et au fond quelque chose de tout à fait inédit : un geste politique qui ne dit pas son nom.
Les chansons de ce natif du Douai, plus artiste de one man show que chanteur, sont plutôt des sketches mis en musique, dans lesquels il interprète des personnages tour à tour cyniques et réactionnaires. Une sorte de La Bruyère prolo en somme. Et devant ces « caractères », il n’est pas rare que l’on rie à gorge déployée, à la fois parce que Didier Super vise souvent juste dans ses attaques politiques et sociétales, mais aussi parce que sa méchanceté n’a d’égal que la médiocrité de ceux qu’il dépeint : ce que l’on pense tout bas, Didier Super le hurle à notre place. Et un délicieux plaisir cathartique s’empare de nous.
Autrement dit, Super est un chansonnier punk : mal élevé, se moquant du formalisme (des mélodies volontairement pauvres, ce qui contribue aussi à la drôlerie de l’entreprise) autant que de la bien-pensance. Affreux, sale et méchant, Didier Super façonne depuis vingt ans un univers ou le beauf et les cols blancs (mais pas que) prennent le bouillon, assaillis de punchlines sordides et/ou saignantes. Comme candidat à la présidentielle, ça aurait autrement plus de gueule que Jean-Marie Bigard.