Road Tapes, Venue #1 (Live) par XavierChan

Nous étions prévenus dès les premières lignes des notes accompagnant cette nouvelle série d'archives live de Frank Zappa : les Road Tapes permettent de mettre en exergue des concerts entiers enregistrés dans des conditions souvent désastreuses, c'est à dire des témoignages nécessaires pour comprendre comment les différentes formations de Frank Zappa se sont adaptées aux lieux dans lesquels elles se sont exprimées. L'introduction hallucinée, beuglant gentiment deux trois âneries, n'est qu'une petite mise en bouche du bordel ambiant et musicalement très concret qui va suivre : les Mothers of Invention méritaient vraiment leur statut de gentils freaks de la côte ouest.

Sans en savoir de trop sur la composition d'équipe du jour, Road Tapes, Venue #1 montre un visage alternatif, progressif, acide, peu importe, de Zappa et sa bande. Après deux excursions dans l'univers vitaminé des instruments à vent et bazars bruitistes (Flopsmash Musics), Freak Out! est rapidement mis à l'honneur ainsi qu'un medley bien construit d'une vingtaine de minutes autour de morceaux classiques de l'époque Lumpy Gravy / WOIIFTM portant la prestation des MOI au rang de réussite technique indéniable jusqu'à une conclusion qui éructe du screamo avec 30 ans d'avance sur la scène hardcore. Les musiciens sont pointus, la section rythmique du tonnerre, entendre une nouvelle fois Oh No sur toutes ses variations est un bonheur.

La guitare de Zappa sait se faire discrète, souligne d'un talent déjà évident les belles envolées inspirées de Shortly... ou du très cinématographique Pound For A Brown d'Uncle Meat, projet inclassable et à haute valeur avant-gardiste. Les amateurs de Varese se délecteront d'une version de Octandre' volontairement massacrée : le compositeur français naturalisé américain fut en effet invité au Canada en 1964 pour une représentation (les américains n'en ayant "rien à foutre" de sa musique) et un des morceaux joués fut massacré par ses musiciens incapables de le comprendre. Précédé par une introduction hallucinante de Zappa himself, King Kong clôt par surprise la soirée et ce premier Road Tapes de son sublime boucan free jazz.