Conventionnel mais efficace
6 ans après l'insipide Black Ice, les boys sont de retour avec un album charnière dans leur imposante discographie. En effet, le cerveau du groupe n'est plus là à cause d'une vilaine maladie, et Angus se retrouve désormais sans son frère pour mener le paquebot AC/DC.
C'est son neveu Stevie Young qui a remplacé Malcolm, et franchement, cela ne s'entend pas plus que ça. Le jeune guitariste de 58 ans ne fait pas injure à son oncle, et peu de gens auraient noté la moindre différence si l'information n'avait pas fuité au printemps dernier. On constate tout de même que les riffs tranchants ne sont plus trop de la partie, et que c'est désormais Angus qui est seul aux manettes : ce sont bien des riffs de guitariste soliste que l'on entend, et la guitare rythmique est surtout là pour habiller les licks du petit écolier grisonnant.
De l'aveu même d'Angus, cet album est composé de vieilles idées glanées ça et là depuis le milieu des années 80, et cela s'entend. AC/DC ne réinvente pas la roue, loin s'en faut, et on pourra reprocher au groupe un léger manque d'audace. Par exemple, les chœurs de Miss Adventure rappellent clairement ceux de Thunderstruck (1990). Rock the Blues away est une pale copie d'Anything Goes (2008), Dogs of War a de faux airs de War Machine (2008), et Baptism by Fire est dans la parfaite continuité de Safe in New York City (2000). Enfin, avec son groove sale et méchant, Hard Times semble quant à elle être un mix de Boogie Man (1995) et de Decibel (2008). Si le groupe s'auto-plagie avec un certain talent, on note la présence de nouvelles influences, à commencer par celle de Led Zeppelin sur Rock the House (!).
Alors au final, qu'est-ce que ça donne ce Rock or Bust ? Et bien disons que les 11 morceaux passent carrément mieux que ceux de Black Ice. Le groupe a retrouvé une certaine énergie qui lui faisait défaut depuis un bon bout de temps, et on a peu le temps de s'ennuyer durant les courtes 35 minutes que dure l'album. A vrai dire, j'étais assez sceptique avant ma première écoute, et Emission Control est le seul titre qui m'ait laissé indifférent. Le reste du temps, AC/DC assure et joue la sécurité, avec une certaine efficacité. Que ce soit bien clair : il s'agit d'un hard rock extrêmement conventionnel, et souvent commercial (on frôle parfois le rock FM à la Def Leppard). Aucun morceau de cet album n'est voué à devenir un classique, et la production de Brendan o'Brien manque toujours autant de chaleur. Bien qu'étant aisément identifiables, les soli d'Angus sont loin d'être mémorables, et force est de constater que l'époque bénie de Let There Be Rock et Powerage est pour de bon révolue.
Alors oui, j'aurais aimé que le groupe nous propose un album aussi bluesy et inspiré que Stiff Upper Lip. J'aurais aimé qu'Angus nous balance des soli à rallonge et que les chansons dépassent les 4 minutes. J'aurais aussi aimé que George Young soit à la production et qu'il dise à son frangin de se lâcher un peu plus et de varier davantage la structure de ses morceaux. Dans un monde idéal, j'aurais aussi aimé que Malcolm soit encore capable de nous balancer des riffs acérés comme en 1975, et que Bon Scott soit toujours là pour porter Angus sur ses épaules, mais je m'égare… Je prends donc cet album comme ce qu'il est, à savoir la preuve que malgré les épreuves qui s'accumulent depuis 1980, AC/DC est toujours là, et que lorsqu'ils branchent les amplis, ils sont capables de vous faire taper du pied comme personne.