Il est toujours important de situer une œuvre dans un contexte historique. Je vais donc m'efforcer de faire ce travail pour expliquer ce premier album d'un des pionniers du heavy-metal.
Judas Priest est formé en 1969 par le bassiste Ian Hill et le guitariste Ken (dit KK) Downing. Après avoir recruté le chanteur Rob Halford et John Hinch à la batterie (anciens Hiroshima) ceux-ci tournent intensément au Royaume-Uni, voire même jusqu'en Allemagne et en Norvège. Vient le moment de la signature avec une maison de disque (en l'occurrence Gull) et la création d'un premier album. Juste avant l'enregistrement de celui-ci, la maison de disque impose au groupe le recrutement d'un membre supplémentaire. Refusant d'engager un clavier ou un trompettiste, le groupe opte finalement pour un second guitariste, ce qui reste la meilleure décision du groupe à ce jour.
Pour ce premier enregistrement, les anglais se voient attribuer un producteur déjà célèbre en la personne de Rodger Bain, connu pour avoir produit les premiers Black Sabbath, ce qui n'est pas rien. Tous les ingrédients sont là pour qu'on se retrouve face à une grande œuvre, mais malheureusement, Gull va en quelque sorte faire foirer tout ça. En effet, Rodger Bain intervient beaucoup trop dans le processus créatif, réduisant par exemple une chanson de 10 minutes à un interlude instrumental de 2 minutes (Caviar and Meths). La mise en son est réduite au minimum, les guitares manquent cruellement de muscle, cependant, on peut commencer à voir se pointer de belles choses comme cette fameuse voix de Rob Halford (sur Run of the Mill notamment). Les chansons ouvrant l'album (One for the Road et Rocka Rolla) sont assez efficaces en singles destinés à faire connaitre le groupe, même si celles-ci ne représentent en rien la musique du groupe. Et c'est là tout le problème de ce premier album : il s'agit d'un pur produit de maison de disque. Le management s'est beaucoup trop impliqué dans la création, au lieu de laisser les musiciens s'exprimer. Résultat : on a ici affaire à du marketing, déjà très visible sur l'horrible pochette. C'est dommage, mais le groupe saura se rattraper avec son album suivant, en parvenant à s'imposer face à sa maison de disque.
Pour conclure, on peut dire que Rocka Rolla aurait pu être une entrée fracassante si la maison de disque et autres managers n'y avaient pas fourré leur nez!