On entre dans ce disque comme dans une course dans un tunnel infini. C’est d’abord le tempo entêtant d’une longue marche dans des rues sombres, balade céleste de treize minutes, une dose qui n’a pas encore l’effet ravageur attendu, repoussant systématiquement la plongée en apnée. Quelques superpositions sonores ci et là mais rien qui n’attaque véritablement les tympans. Un Krautrock parfait. Sorte de Neu ! allié à du Zombie Zombie, poussés dans leurs retranchements. Au fin fond de ces douces minutes écoulées, transe à boucles interminables ayant pour but d’hypnotiser son auditeur, de le conduire dans une lévitation à spasmes, on sent soudain une légère bousculade, les superpositions se font plus douloureuses, progressivement, un premier tourbillon embrase la mécanique, ça ne dure que quatre-vingt-dix secondes mais c’est puissant. Puis rechute. Retour sous hypnose. Mais à mesure, la rupture approche, on la sent venir, tout est plus fragile, tout peut basculer à chaque instant. La dix-huitième minute sera ce basculement, armée de guitares et de cuivres. L’entrée dans un trip total de dix minutes, boucherie auditive à la limite de l’insolence, où l’on est comme rongé de l’intérieur, on se désagrège. Quand on croit arpenter les dernières recoins de souffrance, certains sons s’ajoutent encore, on croirait retrouver un peu du Autobahn de Kraftwerk, version trash et vitraux de cathédrale. On en sort épuisé, mais on va léviter une dernière fois. Tout s’étouffe progressivement, la tension retombe doucement malgré la présence encore du bruit strident des cordes. Vingt-huitième minute : La guitare nous quitte, le violon la remplace. Accompagné du violoncelle. Le rythme cardio disparaît, les cordes caressent. Nouvelle extase. Une autre extase. Le pattern se meurt, les cordes s’adoucissent avant de disparaitre dans la pénombre et de clôturer ces trente-trois sublimissimes minutes.