Fuck off !
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Attention : je ne parle pas, bien évidemment, en terme qualitatif. Je pense qu’objectivement, « Sandinista » est l’album qui représente le mieux l’état d’esprit du rock, ce qu’il implique de philosophie, de démarches artistiques et de ce qu’ils signifient chez les fans, avec les défauts et les qualités qui vont avec.
Ce triple album des Clash, qui succède le déjà démesuré et légendaire « London Calling », veut relever un exploit irréalisable : résumer les aspirations musicales nouvelles du 20ème siècle. On a de tout : rock pur et dur et ses variantes punk, rap, reggae, chansons à texte, ambiances futuristes, des ambiances de chants de marin, un instrumental, une auto-reprise d’un morceau du même album… Niveau chant, non seulement les musiciens chantent eux-mêmes, mais il y a aussi des invités avec une femme, un reggae-man et même une chorale d’enfants. Le tout avec des bruitages, des captations artificielles de radio, de la cornemuse, de l’harmonica, du xylophone… « Sandinista » n’a aucune limite. Il fait ce qu’il veut, et il nous envoie chier. En vérité, cette explosion absolue de débauches s’explique par une raison simple : les Clash voulaient plus voir leur maison d’édition, mais ils leur devaient trois disques. Du coup, pas cons, ils ont fait un triple album (ce qui explique les côtés très bouche-trous de certains titres). En retour, les producteurs, pas cons, ont vendus les disques au prix ordinaire d’un simple. Cette information est selon moi cruciale lorsqu’on se retrouve devant un hamburger aussi énorme que ce disque. Parce que je le trouve disparate jusqu’à l’indigestion. Certes, il y a des morceaux juste monumentaux, comme « The Magnificient Seven », « One More Time » et son Dub qui prouvent que le groupe savait parfaitement maîtriser le reggae (le premier disque est de très loin le meilleur), ou l’improbable mais fantastique « Lose This Skin » (enregistré par un chanteur SDF). Quand ils réussissent, les salauds, ça rend des chansons vraiment uniques ! Mais à côté, combien de moments plus embarrassants (« Hitsville U.K » et son tempo de Noel, « Up in Heaven »), et combien bien plus nombreux sont juste tout à fait oubliables (la dernière face est légendaire pour cette raison)… Et là, le côté linéaire de l’album pose vraiment problème. Les musiciens ont beau rester camés à leur art, la non-directivité globale bloque le plaisir. Au risque de choquer, les triples albums de Saez sont beaucoup plus fluides, parce qu’il a conscience de ses formats, et donc adapte ses thèmes et ambiances à une cohérence entre eux. George Harisson l’avait compris aussi d’ailleurs. Mais ici, la démesure de l’ambition des Clash finit par les bouler. Il est quasiment impossible, après une écoute totale, de ne pas sauter des titres… Pourtant, l’atmosphère débordante de créativité, ultra diverse (l’album a été enregistré à Londres, Manchester, New York et Jamaïque quand même !) a de quoi charmer pendant un certain temps, et nul doute qu’il fascine pour ses attraits. Mais nul doute également que « Sandinista ! » fatigue, et finit par jouer avec notre bienveillance tellement certains morceaux s’étirent dans leurs idées foireuses.
Cependant, est-ce bien cela le mythe Rock : la liberté de la démesure, la résistance artistique, le touche-à-tout jusqu’à l’autodestruction, l’engagement enfiévré, l’implication d’éléments improvisés, le spontané face à la technique, l’éveil à l’anarchie mental, le lissage parfois pour payer ses sources d’inspiration illégales, l’excès pour crever de vivre, la fureur d’énergie, la communion solidaire, le reniement des valeurs traditionnelles pour d’autres plus sauvages, la revendication de l’amour au-dessus de tout… « Sandinista », cri révolutionnaire, c’est tout ça. Quitte à l’overdose, tu as de quoi bouffer de l’esprit rock. Et rien que pour ça, nous devons le respect à cet album qui commence lentement à être réhabilité. J’en suis content, même si je comprends parfaitement qu’à l’époque, comme pour aujourd’hui d’ailleurs, il a semblé beaucoup trop foutraque pour être réussi. Cependant, pour 36 titres, il y a vraiment au moins la moitié qui est juste génial !
Un album à écouter au moins une fois dans sa vie si on aime la musique. C’est même presque comme une épreuve cérémonielle : si vous parvenez à l’écouter en entier et à pleinement l’adorer dès la première fois, vous êtes capables de tout écouter (ce n’est pas encore le cas pour moi, aha ; quoique j’ai réussi pour « Metal Machine Music »), si vous n’y parvenez pas c’est que vos oreilles sont déjà exigeantes. Dans tous les cas, c’est bonifiant, et vous aurez forcément écouter quelques titres qui vous auront donné la banane.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste O Albums qui nous semblaient inaccessibles durant nos quotidiens trépidants, ce confinement est une belle occasion pour que nous fassions connaissance, à la hauteur de votre attention
Créée
le 31 déc. 2019
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