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SATURATION III
7.6
SATURATION III

Album de BROCKHAMPTON (2017)

Critique rédigée originellement en décembre 2017
Dans mon précédent article (voir Wu-Tang Forever), j’évoquais le collectif le plus légendaire de l’histoire du Hip-Hop, et montrais que globalement, l’union fait la force. Alors qu’en cette année de Rap 2017 les individualités se sont encore plus affirmées au devant des groupes, cette maxime n’est pas prête de mourir avec Brockhampton.

Formé autour du rappeur Kevin Abstract, Brockhampton étonne déjà par son apparence : des blancs, des hispaniques, des renois, ça faisait combien de temps qu’on avait pas vu autant de diversité en un seul groupe ? A la manière assumée dont les membres se montrent sur leurs nombreux clips, et à la fâcheuse tendance qu’ils ont parfois à tous se grimer de peinture bleue, le message est clair d’emblée : on ne fait qu’un avec notre musique, et les barrières communautaires on les défonce à grands coups de « fuck ». Ça fait peut-être bobo de Konbini de dire ça mais ce genre d’attitude reste assez rare dans le Game pour être soulignée.

Rentrons maintenant dans le vif du sujet, pourquoi je vous parle de Brockhampton ? Il faut d’abord préciser que ces gars sortent littéralement de nulle part et n’ont avant 2017 quasiment aucun fait d’arme (hormis Kevin Abstract), ce qui les a sûrement encouragé à envoyer la sauce fort dès le début et à, disons-le crûment, poser leurs balls sur la table. C’est ce qui saute aux yeux dès le départ chez Brockhampton, dès les premières secondes de leur musique : ça tabasse, il y a énormément d’énergie à revendre et multiplié par 10 ça prend des airs de défouloir géant. Les mecs ne sont pas là pour se foutre de nous et se donnent à fond pour leur art, on sent une vraie furie créative s’emparer de nous car l’inspiration et l’envie sont bel et bien communicatives. On sent en plus dès le début qu’on est sur un truc conceptuel, les titres à un seul mot écrits en majuscule sont un écho direct au dernier (splendide) album de Kendrick Lamar. Les mecs ont faim quoi, ils apportent leur lot d’idées et enchaînent les nouveaux sons comme si ça passait sur le grill, difficile d’imaginer à quel point la cadence de production a dû être élevée avec une série de trois albums, Saturation I, II et III, sortis respectivement début juin, dans l’été puis à la toute fin de cette année. Autant de motivation, qui plus est pour un groupe de cette taille et qui débarque comme ça à l’improviste, c’est simplement du jamais-vu.

Mais à quoi servirait toute cette énergie sans la technique ? Car s’ils sont novices dans le milieu du Hip-Hop ça ne s’entend pas au micro, la qualité des deliveries est toujours au rendez-vous et on assiste parfois à de réelles performances en terme de flow ; rajoutez à ça que chacun des MCs a son univers propre et que, comme toujours chez Brockhampton, toutes les petites folies sont autorisées (je pense à ce gars qui a souvent des petites intonations chantées suraiguës à la Kendrick), et vous obtenez un cocktail magique, rempli de talent et de créativité. Sans oublier que le groupe se munit d’un culot assez épatant, ses membres osent et tentent un peu tout ce qui leur chante au micro pourvu que ça sonne bien ; le pire, c’est que ça fonctionne et que ça lance de vraies perspectives pour le futur. Je ne sais pas si c’est intentionnel, mais ce groupe figure l’inverse du Wu-Tang, la discipline austère et rigoureuse et l’authenticité sont remplacés par l’invention tout azimut, la première formation cherchait l’intemporel est est toujours présente aujourd’hui quand la seconde a un avenir plus qu’incertain mais aura eu le mérite d’insuffler un tas de nouvelles choses.

Pour ce qui est enfin de l’univers musical développé par le collectif, on est sur le même côté impulsif et je-m’en-foutiste à la fois que Tyler, the Creator et Odd Future, son ex-crew qui avait lui aussi redéfini pas mal de choses et établi la nouvelle génération du Rap US au tout début des années 2010. Ça donne des sonorités tantôt agressives et bruyantes, qui donnent pleinement l’occasion au groupe de laisser libre court à sa folie, et tantôt plus calmes et chill, avec des incursions dans la Pop ou l’acoustique aux moyens de jeux de guitare ou de morceaux exclusivement chantés... Vous l’aurez compris, le groupe se propose finalement de dépasser les cadres pourtant de plus en plus élargis du Hip-Hop et n’a jamais peur d’aller s’aventurer sur d’autres terres, sans que ça en devienne bordélique et incohérent. Arrivé au bout des trois volumes que compte le projet Saturation, on n’est nullement lassé et devant la versatilité et l’invention constante du groupe, on en redemande volontiers encore. C’est bien ça l’esprit Brockhampton : la création infinie et sans limite, la vivacité d’une jeunesse jamais rassasiée et toujours avide de plus de musique, d’expérimentations, de tentatives, de cool. A ce titre, personne n’aura mieux représenté l’état du Rap en 2017.

romainbonhommelacour
8

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Créée

le 18 mai 2018

Critique lue 398 fois

9 j'aime

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9

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PaulTesson
7

J'aime même si....

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