Mythique (en un rien de temps)

Premier album de Napalm Death sorti le 1er mai 1987. Outre la fête du travail, ce jour-là était à noter, parce que cet album allait laisser plus qu'une traînée de crasse écumeuse...

Avec 28 titres, rien que ça, l'album ne dure pas 35 minutes. Aujourd'hui ce n'est pas si singulier, mais lors de l'apparition de cet ovni, rien n'était paru dans une telle configuration musicale. D'ailleurs, l'album est cité dans l'ouvrage de référence de Robert Dimery "1001 albums qu'il faut avoir écoutés dans sa vie", et le titre "You suffer" est entré dans le Guiness des records, pour sa durée : 1.316 secondes ! [A noter que le groupe américain de crossover thrash S.O.D. (Stormtroopers of Death) avait déjà fait un album (Speak English Or Die, 1985) où des titres étaient déjà très courts, notamment "Diamonds and Rust" qui dure 6 secondes ou "Anti Procrastination Song" qui dure 7 secondes].

Dans le style, la pochette d'album est très éloquente. Une mise en abîme de logos de sociétés commerciales ou industrielles parmi des cranes et sous des hommes en costard-cravates semblant s'être réunis pour célébrer la mort, nous fait comprendre facilement qu'on est dans la suite de l'anarcho-punk anglais des années 70-80. Toutefois, le logo du groupe et la représentation symbolique de la Mort elle-même semblent être plutôt influencés par les visuels thrash et death metal, ce dernier style étant à peine en train de naître (l'un des grands précurseurs, Death, sort son premier album la même année).

Les textes sont engagés, acerbes d'un système politique "capitalo-consumériste-libéral". Le son, brut et puissant pour l'époque, s'enracine dans le heavy metal, avec aussi une couleur hardcore. Ainsi les guitares sont très tranchantes, la batterie très claquante et lourde. La basse semble vouloir contribuer à la puissance du son, tout comme dans le style metal en général. Par contre, rien n'est construit dans l'optique d'une démonstration technique chez les musiciens, ce qui se développera plus tard avec les influences du death metal dans le grindcore. La crasse du son, même s'il n'est pas aussi dégoulinant qu'on a pu le visiter dans le grind plus tard, met en évidence l'aspect crust qui est l'une des autres racines du style.

La performance est plutôt dans la longueur des morceaux : ils sont courts. Aller à l'essentiel, purifier le discours de tout développement inutile semble être le mot d'ordre. L'on reçoit un message clair, féroce, ultime. Sans équivoque, la musique rock vient de voir naître dans son arborescence un style inconnu auparavant : le grindcore. Certes, d'autres groupes ont contribué à cette éclosion (Répulsion, Siege - USA), un peu avant, mais dans le style extrême du côté du death metal pour le premier, et du hardcore punk pour le second). La qualité de Scum, c'est justement d'avoir (con)cassé la structure-même des titres, proposant ainsi cette quantité de morceaux (déchiquetés ?) sur si peu de temps.

Cet album a donc marqué son temps, le temps, le tempo, pour faire advenir, comme une inspiration pour les descendants, le style parmi les plus extrêmes du heavy metal. Pour un premier album, dans lequel on retrouve des noms comme Justin Broadrick (Godflesh, Techno Animal, Jesu pour ne citer que ces 3 groupes hors normes) ou Mick Harris (Painkiller avec John Zorn, Scorn), on ne pouvait à l'époque s'attendre à une telle révolution sonore.