A la recherche des futurs jeunes rebelles de l'âme...

Il est difficile aujourd'hui, surtout si l'on n'est pas britannique, de comprendre l'impact que "Searching for the Young Soul Rebels" eut sur un pays - et sa jeunesse - sombrant dans la terrible dépression des années thatcheriennes. On peut l'affirmer sans exagérer : voici un disque historique, un disque "révolutionnaire", non pas seulement au niveau musical, mais dans le sens "social" du terme... c'est dire combien la Musique importait encore à cette époque là ! Trois ans de punk rock, de 1976 à 1979, avaient porté leurs fruits, et la jeunesse anglaise avait retrouvé une combativité politique sans équivalent dans son histoire... mais tout le monde sentait qu'il fallait de nouveaux sons pour prendre la relève : ce fut la renaissance du ska, autour des musiciens géniaux des Specials, de Madness et de The Beat, entre autres, qui allaient se coltiner sans crainte avec la grande question raciale. Mais pour le jeune (et très énervé, et très arrogant aussi) Kevin Rowland, pas question de sauter dans le train du ska, déjà bien emballé, il avait l'ambition de créer son propre mouvement. Inspiré par la fameuse "Northern Soul", musique des classes sociales les plus populaires qui n'avait encore jamais eu la faveur des groupes de rock - en général issus de la classe moyenne, voire supérieure. Rowland repompe donc tout ce qui l'a toujours fait vibrer dans la grande soul américaine, chez Motown en particulier, colle des textes sanglants par dessus (on ne fait pas dans la dentelle, ici !), et monte un groupe "cuivré" qui va jouer le tout avec cette fameuse rage punk incontournable en 1980. Et c'est un triomphe. Artistique comme commercial. Car "Searching for the Young Soul Rebels" permet de danser en rigolant autant que de monter des barricades pendant les mouvements de grève : et l'Angleterre prendra ainsi le goût de faire la fête, une fête qui durera encore au moins une bonne décennie. Mais Rowland, insupportable coq de basse-cour dressé sur ses ergots, passera vite à autre chose, avec des hauts (l'album suivant, celte...!) et des bas (pas mal de dégâts sur sa trajectoire de comète auto-destructrice...).


Réécouter cet album en 2016, surtout si l'on ne s'attache pas aux textes, fondamentaux, expose pourtant l'auditeur à une certaine déception, du genre : "Alors, tout ça pour ça ?". L'abrasiveté festive de nombreuses chansons, le chant histrionique de Kevin, qui n'est pas encore le grand chanteur qu'il devint ensuite, la simplicité trompeuse de certaines mélodies, la lourdeur indéniable de l'hommage aux racines noires, tout cela fait que l'album fait désormais hausser les sourcils des puristes, et qu'il est de plus en plus souvent oublié dans les livres d'histoire de notre musique. Que faudrait-il pourtant pour que nous retrouvions le goût de cette musique joyeusement excessive, qui préfère gueuler plutôt que de suggérer ? Plus de chômage ? Une montée encore plus forte du FN ? Plus de misère et de rage autour de nous ? Plus de carnages dans nos salles de concerts favorites ? Allons, camarades, nous ne sommes pas si loin que ça d'une nouvelle ère où les jeunes rebelles de l'âme viendront à nouveau lancer des pavés, dans la mare ou sur la tronche des CRS ! [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
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le 13 juin 2016

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Eric BBYoda

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