C'est ça. Je ne me suis pas trompé. Ce qu'il y avait dans Secret of Mana et son OST se retrouve ici intact et même libéré des carcans du gameplay, avec ses morceaux courts qui tournent en boucle et qui peuvent agacer. D'agacement, il n'en est jamais question ici, même si l'oeuvre conserve tout le panache de certains morceaux originaux. Car il s'agit d'une longue, 100% originale et unique piste de 49 minutes et 27 secondes, sans interruption, où tout le génie de Hiroki Kikuta peut s'exprimer.
Il faut cependant avoir terminé le jeu et l'avoir apprécié énormément pour apprécier ce morceau. Et l'avoir compris. Je crois que je l'ai compris, tant les sonorités tellement généreuses me rappellent mes vagabondages manette en main.
Secret of Mana, c'est d'abord un univers où technologie et magie se côtoient. (voir ma courte critique du jeu) Sans que l'un découle de l'autre. Ils existent distinctement, explicitement du moins. Cependant, un parallèle est mis entre les deux vers la fin du jeu, avec ces orbes étranges qui diffusent des émissions énigmatiques qui ne sont rien d'autre que des diffusions télévisuelles ou radiophoniques...
Du haut de mes 10-14 ans, cela m'avait marqué, je ne l'avais rencontré dans aucune autre oeuvre quelle qu'elle soit, même si certains vont me dire évidemment que c'est ultra-classique, les grincheux. Plus tard, j'ai vu cette même générosité technico-médiévale dans les œuvres écrites de Roger Zelazny. (et avant, d'Asimov)
Pourtant, au début de Secret of Mana, il n'y a nulle trace d'industrie au sens moderne du terme. (sauf peut-être la forteresse Mana de l'introduction) La poésie décrite se suffit à elle-même pour attirer le joueur innocent dans un gouffre tourbillonnant. Puis, avec les premiers signes de technologie, on se remémore ces riffs agressifs qui résonnent bien rétrospectivement. Cette mécanicité de la musique nous explose en pleine face.
Secret of Mana + réussi à réunir tout cela. Tantôt contemplatif d'une nature idéalisée (paradis perdu), tantôt plus électronique et parfois franchement rock. Tout cela dans le même morceau, quoi ? Mais si ! Et c'est un pur délice, on ne sent pas le temps passer. Au son des gouttes d'eau se mêle la sonnerie d'un téléphone, les rythmes électro gras accompagnent le xylophone ou le banjo.
Cela suit donc bel et bien le thème du jeu qui est la coexistence de la magie, qui serait plus symbolisée par la nature (ou vice versa), et de la technologie. Les deux sont également délectables et dangereuses. Il s'agit en quelque sorte des deux faces d'une même pièce, l'humain, l'humain et ses aspirations.
Un chef d'oeuvre.