Ça démarre fort. This (Crazy) World annonce le ton. Du Hip Hop bien gras, à peine dégrossi, en plein dans ta face. Ça commence fort. Et on sent une ambition énorme. Déjà une voix de vieille routière dans un corps de jeune fille. Où cette fille a été chercher une voix pareille ? On dirait un mix entre Erikah Badu et Bahamadia, qui en partance pour NY, se serait trompée d’avion, et égarée du côté de la Jamaïque, et nous sort ça. Puis on plonge tout de suite après dans le Bronx, avec un morceau Hip Hop qui semble être sorti des bas fonds. J’ai faillit retourner la jaquette pour voir si il n’y avait pas marqué Def Jam Records derrière. Elle cache bien son jeu, dis donc !
Je n’étais pas très rassuré par cette fille qui semble beaucoup plus hardcore que prévu; et voilà enfin Raggamuffin qui tombe dans mes oreilles. Voilà ! Voilà le morceau qui a réellement lancé Selah Sue comme la nouvelle sensation du moment. Et c’est presque un malentendu, tellement il ne dit pas ce qu’est réellement cet album. Un morceau de Raggamuffin passé à la lessiveuse pop, une guitare folk, et une orgue qui fait le chœur derrière. Etrange et original.
Le reste de l’album, c’est un grand foutoir à dominante Hip Hop, teinté de Soul R&B sur les bords, un mix de rap( ?), spoken word , chant( ?), beaucoup de promesses, mais pas encore assez abouties. Je suis exigeant ? C’est normal, elle a du talent, faut donc être exigeant. Ça cogne fort, un peu trop. Ça sent le je-remplis-ma-copie pour montrer à tous, tout ce que j’ai dans le ventre. Et surtout, je n’arrive pas à me faire à sa section rythmique. Si c’est pour faire ça seulement, autant utiliser une boîte à rythme, ç’aurait été beaucoup plus efficace, et plus précis que ce que j’ai entendu. Et son bassiste, il n’a aucune signature, aucune réelle personnalité, ça tape fort et c’est tout, dommage. Le morceau de soul ne s’imposait pas, et il ne s’impose pas. Même si il y a marqué: FEAT. CEE-LO GREEN en gras sur la pochette. Je ne sais pas qui a fait les arrangements, mais faudrait lui dire que l’excès en tout nuit, et encore plus en musique. Beaucoup de bruit, des compos surchargées de sons, d’accompagnements, plein de trucs ajoutés qui tuent le groove. La voix rageuse, au flow si particulier de Selah est reléguée au fond, donc elle y va tout le temps à fond, et on a l’impression d’un lead vocal qui se bat contre sa section rythmique. Et comme les autres morceaux ne sont pas aussi originaux que Raggamuffin, c’est explosif, mais l’effet de bombe retombe aussitôt. Exception faîte de Black Part Love, l’un des mieux écrits de l’album. Il part tel un crescendo pour aboutir à un refrain entêtant avec un riff de « cuivres » en or massif. Là, c'est pas mal; le trop plein fonctionne à plein régime, mais les autres morceaux n’en ont pas assez dans le ventre pour supporter.
Et puis cette façon de chanter, entre rap, spoken word, des accents empruntés aux toasters jamaïcains, le morceau FYAH FYAH, prononcez : Faya ! Faya ! Un peu de soul… c’est difficile de donner une identité à un album avec autant de dispersion. On a un album très riche mais hétérogène, comme celui de quelqu’un qui n’a pas encore trouvé son style, ou le bon mélange. Bon. Elle a le temps. C’est son premier album, non ?