Le 2 février 1980 paraît le single A Forest, qui marque une coupure radicale avec ce que le groupe avait accompli jusqu’alors. Pour cause, un changement de line-up qui a vu le départ du bassiste Michael Dempsey en faveur de Simon Gallup, ainsi que l'arrivée du claviériste Mathieu Hartley. Le premier adopte un jeu de basse extrêmement pesant et le second, des nappes de synthétiseur qui ajoutent à l’ensemble une touche atmosphérique. En résulte donc ce nouveau morceau, qui abandonne désormais tout lien avec la pop pour se tourner vers un son post-punk minimaliste et délicieusement glacial que l’on nomme « cold wave ». Bien entendu, Si The Cure n’en est pas à proprement parler l’investigateur (c’est en premier lieu le magazine britannique Sounds qui qualifie de la sorte Siouxsie and the Banshees et Robert Smith avoue lui-même s’être inspiré entre autres de l’album Low de David Bowie ou encore d’Astral Weeks de Van Morrison).
L’album s’inscrit donc dans la lignée de A Forest, avec qui il forme un tout cohérent et homogène. L'accent est principalement mis sur le rythme, l’ambiance et les effets ajouté en studio (que l’on pourrait aisément considérer comme un instrument à part entière tant ils sont fondamentaux), plutôt que sur la technique instrumentale ou la performance vocale. Il débute avec une brève introduction instrumentale, A Reflection, puis laisse place à Play For Today, qui aurait sans doute été un choix plus judicieux en ouverture, tant ce premier « vrai » morceau est une claque magistrale. Véritable petit bijou de minimalisme ingénieux et inventif, il témoigne de l’alchimie parfaite entre les membres du groupe parfaitement complémentaires. Secrets apporte quant à lui le même constat, cette fois sur un tempo plus posé, mais c’est véritablement avec avec In Your House que le revers nous arrive. Il s’agit purement et simplement du meilleur morceau de l’album après A Forest, et il faut reconnaître qu’il aurait largement mérité sa place sur le single en lieu et place de Another Journey by Train. (L’absence de single malgré la matière disponible est d’ailleurs incompréhensible, mais ceci est une autre histoire). La face A se clôture ensuite avec Three, un second instrumental sans prétention, présent que pour assurer la transition.
La face B adopte le même schéma, à savoir une introduction instrumentale avec The Final Sound, suivie de A Forest, l’un des meilleurs morceaux du groupe et de l’album. Passé ce dernier, la qualité ce maintient avec M, …At Night et l’épilogue Seventeen Seconds (tradition qui deviendra la signature de la trilogie froide), mais il faut avouer que nous sommes tout de même légèrement en-dessous de la première partie du disque (ce qui est logique du fait de la face B).
Au final, Seventeen Seconds aurait largement mérité la note maximale s’il n’avait pas succombé à quelques baisses de rythme, notamment avec des instrumentaux dispensables. Il n’en reste pas moins l’un des plus grands albums de sa génération, un indétrônable classique qui constitue un passage obligé dans la carrière de The Cure et du post-punk en général.