Sexuality
7.2
Sexuality

Album de Sébastien Tellier (2008)

(Critique qui date de la sortie de Sexuality)

Un disque à la "durée de vie" quasi nulle que "Sexuality". Si on peut dire. Parce que pour moi, ça se traduit par "suivant", quand un disque n'accroche pas mon oreille par de premières profondeurs, puis secondes profondeurs, etc... Et pourtant Sebastien Tellier fait partie de mes trois artistes préférés de tous les temps (Jeff Buckley, Vincent Gallo et lui).

Sébastien Tellier et Philippe Katerine sont mes artistes français préférés, et comme par hasard, ils se "vendent". Je ne crois pas au hasard à ce point. Par contre, quand je les vois s'afficher en fauves imprévisibles sur les plateaux TV, à se vautrer dans la boue avec autant de panache, je comprends carrément leur acte : s'ils y allaient, comme tous les autres, à reculons, ils n'auraient pas la liberté de mouvement qu'ils ont en paraissant aimer ça. D'ailleurs, ils ne sont pas considérés, l'un comme l'autre, comme inoffensifs ou prévisibles, on sait bien qu'il se passera quelque chose, qu'ils seront extravagants voire scandaleux. Les présentateurs font mine de ne pas entendre les horreurs qu'ils racontent. De ce fait, grâce à Katerine et Tellier, le téléspectateur alerte se rend compte que les animateurs se moquent bien de ce qui se dit dans les émissions, qu'ils prennent les téléspectateurs pour des ânes qui marchent toujours quand le débit de parole est constant (comme sur pas mal de forums sur internet, d'ailleurs).

Bref, la raison pour laquelle je n'en veux pas à Tellier d'avoir fait un album que je n'écouterai pas, c'est que grâce à cet album il aura pu faire l'eurovision et venir crier à la face de l'Europe que la France est si débordante de sperme frelaté qu'elle en fait son symbole. C'est très contemporain, puisque ça sent le Sarkozy, tête chaude et sexe en main à côté du portefeuille croco. Mais pour être moins téléologique (Tellier ne savait peut-être pas que son album allait avoir une telle résonance), je crois que cet album est généralement une nouvelle pierre à l'édifice de Tellier qui consiste à rendre sensible les choses sociales qui demeuraient enmurrés dans la raison.
Comme il l'a dit, il a d'abord cru que la Famille était le plus important. "L'incroyable vérité" a donc servi à donner du relief à cette thématique, en particulier pour la position de la femme ou en se mettant dans la perspective du chien. Et ce qui est drôle c'est que cet album, je l'ai surtout écouté seul à l'écart de mes parents, dans ma chambre, comme si l'album me permettait soit de faire le deuil de ma famille, soit m'en donnait une nouvelle, de remplacement (je ne portais pas ma famille dans mon coeur, à ce moment-là).
Ensuite, comme il l'a dit aussi à la télé (comme quoi, il ne raconte pas que des conneries), la seconde chose, encore plus importante, lui a semblé être la politique. D'où son second album, "Politics". Celui-ci tournait d'abord en ridicule la propagande, donnait du relief à cette forme de manipulation (Wonder Africa, League Chicanos). D'autre part, il était aussi un album positif (avec "la ritournelle", l'amour devient un geste politique: "nothing's gonna change my love for you, I want to spend my life with you")), mais également un album pervers particulièrement révélateur (Ketchup versus Genocide). Je ne me prononcerai pas sur le sens des autres chansons, n'ayant trouvé les paroles nulle part (évidemment, cela n'empêche pas que j'ai écouté l'album au moins cent fois pour sa signification directe, intuitive, ce qui est toujours le cas de toute façon).

Donc aujourd'hui, c'est la sexualité "qui est plus importante que la politique, qui était elle-même plus importante que la famille". Je ne m'aventurerai pas à interpréter en détail un album que j'ai peine à écouter pour son manque de profondeur. Ou bien peut-être est-ce dû à mon éducation puritaine qui me rend inapte à explorer les affres réelles de la sexualité, que Tellier devrait explorer s'il était fidèle aux qualités de ses anciens opus. En tous cas, force est de constater que si on veut parler de la Domination, la carrière de Tellier semble reprendre en accéléré, contrairement à ce qu'il disait (je suis très lent, ironisait-il à la télévision), l'histoire contemporaine des relations de pouvoir au sein du peuple: par les axiomes de la famille jusqu'au début du XXème siècle, puis par le biais de la politique (l'engagement politique, jusqu'en 68 pour la France, mais 45 pour l'Allemagne de l'ouest) et enfin par le biais du sexualité/libido qui domine le monde depuis.

Enfin bon, disons que c'est plus l'occasion d'en parler qu'autre chose. Je recommande à tous et toutes d'écouter les trois albums (surtout les deux premiers) de Sébastien Tellier.
Jonathan_Suissa
6
Écrit par

Créée

le 25 déc. 2011

Critique lue 896 fois

6 j'aime

3 commentaires

Jonathan_Suissa

Écrit par

Critique lue 896 fois

6
3

D'autres avis sur Sexuality

Sexuality
ulostcontrol
8

Le désir : ses ambigüités, ses oxymores et ce qu’il fait naître en nous.

Très sensuel, l’album Sexuality évoque en nous des sentiments amoureux, passionnés, tendres et profonds. Il évoque en nous le bonheur, la joie, la fougue, l’emportement et l’émotion. Pas gnagnan du...

le 10 août 2013

6 j'aime

Sexuality
Jonathan_Suissa
6

(Critique qui date de la sortie de Sexuality)

Un disque à la "durée de vie" quasi nulle que "Sexuality". Si on peut dire. Parce que pour moi, ça se traduit par "suivant", quand un disque n'accroche pas mon oreille par de premières profondeurs,...

le 25 déc. 2011

6 j'aime

3

Sexuality
denizor
2

Critique de Sexuality par denizor

Faisons un rêve. Regroupons dans un auditorium l’ensemble des critiques musicaux tous présents pour écouter Sexuality…mais sans savoir qui chante. Un blind test géant en quelque sorte. Certains...

le 10 sept. 2015

3 j'aime

2

Du même critique

Nowhere
Jonathan_Suissa
10

Le nihilisme et l'impossible empathie

J'ai beaucoup vu ce film. J'en ai beaucoup parlé aussi. Je me souviens de... L'avoir appelé maintes et maintes fois « mon film préféré ». Cela signifierait que ce film peut définir mes attentes, mes...

le 14 oct. 2010

53 j'aime

4

Buffalo'66
Jonathan_Suissa
10

La vie ne vaut d'être vécue sans (avoir foi en) l'amour

"This little boy... All my life, i've been this lonely boy, dou dou..." Ainsi commence Buffalo'66. J'y repense parce que je viens de me passer la BO (qui figure dans l'album « Recordings of music for...

le 14 oct. 2010

45 j'aime

1

La Jeune Fille de l'eau
Jonathan_Suissa
8

Quand le conte s'attaque au cinéma

A la toute fin du générique, le réalisateur dédie le film à ses filles, accepte de leur « raconter cette histoire encore une dernière fois mais après... au lit ! ». Il y a des réalisateurs qui...

le 3 janv. 2011

37 j'aime