Faisons un rêve. Regroupons dans un auditorium l’ensemble des critiques musicaux tous présents pour écouter Sexuality…mais sans savoir qui chante. Un blind test géant en quelque sorte. Certains ricaneraient bruyamment dès le début de Roche « C’est quoi cette musique, on dirait "Ainsi soit-il" de Louis Chédid ! ». Un peu ragaillardi par cette première volée de bois vert (le courage du critique n’est pas légendaire), les hués deviendraient légions : Musique à faire passer Kajagoogoo pour du Schostakovitch ! Synthé caoutchouteux déjà ringard en 1985 ! Quincy Jones du Pauvre ! Musique digne du film érotique de M6 ! et un plus classique Mélodie à deux balles Chacun se délecterait de sa petite pique et la séance de blind test se terminerait dans un éclat de rire général ou par le saccage pur et simple de la salle avec vol de siège, chacun enrageant d’avoir été invité à cette supercherie.
Malheureusement, vous ne lirez aucun de ces avis dans les critiques qui seront écrites sur ce dernier album de Sébastien Tellier. Et le comble du ringard se transforme illico presto en sommet de la branchitude.
Tellier, auteur d’une fameuse "Ritournelle", considéré comme un décalé incontournable et un génie foldingue, a un pouvoir tel qu’il peut changer une bouse (un nom par forcément moderne mais pourtant bien choisi) en top. Attention, il ne change pas la musique mais seulement l’avis que l’on peut avoir sur elle : sur son seul nom (associé à celui de Guy-Manuel Homen de Christo de Daft Punk, un autre groupe qui file un mauvais coton) et dans l’oreille, pour une fois bienveillante, du critique. Pourquoi pas après tout et allons jusqu’au bout et réhabilitons toute un pan de ces années 80 couleurs pastelles délavées, funkysante et popisante avec un goût de Chamalow. Allons jusqu’à réhabiliter Pierre Bachelet, auteur de la musique d’Emmanuelle, comble de l’érotisme (sujet principal de Tellier) et responsable de l'album Elle est d’ailleurs - 1980, dont la pochette à inspirer à Tellier la sienne ! Bachelet y marchait sur des corps de femmes-paysages. Tellier préfère y aller franchement avec un cheval (histoire de se donner du panache) sur une femme à gros seins (en tout cas plus nettement plus gros que chez Bachelet). Même pour ça, Tellier ne fait pas dans la finesse. Le barbu est vraiment devenu barbant.