Deux suédois fous ont failli griller les enceintes de ma chaîne knifi
Karin Dreijer Andersson et Olof Dreijer sont de retour et ils ne sont pas contents. On a beau leur demander de ranger leur chambre (il faut dire que c'est un sacré bordel là-dedans), ils n'en ont cure, tapent des pieds, vocifèrent et poussent le potard de leur ampli à fond.
Pour moi The Knife restera à tout jamais associé à une scène de cinéma magistrale, cette scène de danse dans "Les Amours imaginaires" * : http://www.dailymotion.com/video/xie60a_the-knife-pass-this-on-film-les-amours-imaginaires_shortfilms
En fait le duo suédois est à l'image de cette scène : on ne comprend pas facilement ce que ces personnages un brin agaçants se racontent, mais on est irrésistiblement envoûté par la moiteur de ces corps qui se frôlent, ensorcelé par le contraste entre cette musique dansante et ces images au ralenti.
Et "Shaking the habitual" est comme ça lui aussi ; insaisissable, agaçant, hypnotisant, prétentieux, épuisant mais définitivement passionnant.
Passionnant parce que le frangin et la frangine nous servent ici un parfait résumé de leur discographie et prennent le risque de laisser sur le bord du chemin ceux qui attendaient d'eux qu'ils nous servent un nouvel album bourré de pop tubesque qu'ils maîtrisent pourtant si bien.
D'entrée de jeu ils nous balancent 6 minutes de musique électro-ethnique bourrée de percussions, rappelant les vénérés Can ou par courts instants ce que fut Leftfield.
Viennent ensuite dix minutes à faire danser un mort, avec le frénétique et réjouissant "Full of fire" ( http://youtu.be/DoH6k6eIUS4 ). The Knife aime encore faire bouger les corps et ils le prouvent un peu plus loin avec "Networking", danse de Saint Guy infernale.
Rien n'est donné dans cet album, et il faudra parfois être patient, laisser aux morceaux le temps de prendre leur envol, de se révéler. Les "A Cherry on top", morceau complexe et nébuleux qui prend soudainement après 5'20 de délicieux accents d'Arcade Fire et "Fracking fluid injection", 10 folles minutes crasseuses à faire exploser le tweeter de vos enceintes, en sont deux parfaits exemples.
On y trouve aussi un "Stay out here" furieusement années 80, dix minutes où Siouxsie semble avoir croisé la route de Christian Death, et un "Ready to lose" final tout en douceur, comme si le duo voulait faire la paix avec son auditoire.
Vous l'aurez compris, cet album n'est pas "facile et agréable", on n'échappe d'ailleurs pas au "morceau ambient de petit malin bien pénible", "Old dreams waiting to be realized" et ses 19 minutes prétentieuses, il se mérite, se doit d'être écouté plusieurs fois (Évitez cependant de vous le refaire en boucle au risque de devoir vite avaler une boite entière de Doliprane) afin d'en saisir toutes les richesses, tous les contours.
A leur manière, Karin Dreijer Andersson et Olof Dreijer nous expliquent leur "Shaking the habitual" : http://youtu.be/4F37Yg17-JQ
* http://www.senscritique.com/film/Les_Amours_imaginaires/394840