Le hasard fait parfois bien les choses. C’est un drôle de mois de mai que nous vivons là. Ridley Scott nous ressort des placards un nouvel opus de la saga Alien, David Lynch s’échappe de son silence pour nous présenter les premiers épisodes de Twin Peaks, nous avons eu le droit à une nouvelle bande annonce de Blade Runner 2049, puis At The Drive In et surtout Slowdive sortent dans les bacs un nouvel album chacun.
Parfois, on se dit que le destin est écrit, comme inscrit dans le marbre. L’espace-temps s’est doucement arrêté dans les 80’s/90’s. C’est assez symptomatique d’une époque qui aime refaire du neuf avec du vieux. A défaut de savoir si toutes ces nouvelles sorties sont de qualité et valent la peine de ressasser les fantômes du passé, il est ici question de Slowdive, qui revient aux affaires avec le dénommé « Slowdive ».
Un titre éponyme comme retour, comme pour nous annoncer qu’ils n’ont pas changé. Et à l’écoute de ce dernier, la recette, en presque 20 ans, n’a pas bougé d’un iota. La magie est là, elle opère, se diffuse avec toujours autant de plaisir et de mélancolie. En 2013, My Bloody Valentine avait refait surface et avait aussi fait un retour digne de ce nom : avec cette même destructuration des saturations shoegaze.
Slowdive, lui, s’appuie toujours sur la même stratégie : des mélodies entraînantes, un sens inné pour la pop music, un songwritting à fleur de peau, une accoutumance pour l’ambiant, le tout en les accordant avec une tristesse et mélancolie shoegaze. Slowdive nous présente la même musique que durant Souvlaki ou même Pygmalion. Ce shoegaze vaporeux qui s’incorpore dans les mémoires, qui entoure les oreilles comme un nid d’abeille pour ne plus nous relâcher.
Le premier morceau est assez représentatif de la créativité féconde de Slowdive : guitare lancinante, voix susurrées, envolées lyriques et shoegaze cotonneux. Slowdive n’a pas perdu de sa superbe. Et à l’écoute, de cet album, il y a cet aspect contradictoire qui s’achemine dans nos pensées : entre cette nostalgie de retrouver un groupe fondateur d’un genre musical, cette personnalité qui se reconnait instantanément et découvrir cette pointe de modernité tant dans leur production que leurs mélodies, qui nous font voyager entre les souvenirs de notre adolescence et les réminiscences de notre présent.
Pourtant la tâche n’était pas aisée pour Slowdive : revenir après tant d’années et faire suite à des titres comme « Alison », « Dagger » ou même « Machine Gun ». Mais ce qui fait la force de « Slowdive », c’est éviter toute analogie, toute forme de comparaison alors que la recette est la même. Mais à l’écoute du refrain tout en groove lymphatique de « Sugar for the pill » ou en savourant les cavalcades électriques de « Everyone Knows » bercées par la voix enchanteresse de Rachel Goswell, Slowdive marque de nouveau les esprits.
Slowdive est incroyable dans sa facilité à trouver des refrains, des mélodies d’une efficacité et d’une immédiateté évidente sans jamais tomber l’aguicheur. On se croirait dans les années 90 devant les films pop de Gregg Araki ou les sucreries de Sofia Coppola, où tout un pan d’une jeunesse en pleine ébullition explosait de liberté, ou en train de lire les pamphlets juvéniles d’Irvine Welsh. Ce qui se détache aussi, c’est cette impression de ne pas être en face d’un groupe en perdition, qui sort un énième album pour donner le change à une fanbase aveugle.
Non « Slowdive » s’insère dans son temps et est d’une fraîcheur sans borne, notamment grâce à l’élégance de leur production : il n’y a qu’à écouter « Go Get it » et son refrain tout en sensualité âpre, ou « No longer making Time » et ses ruptures de rythme, cette montée en puissance émotive, ces guitares qui décident de faire griser le temps, ces voix qui s’évadent dans la reverbe. D’une puissance sensitive magnifique. « Slowdive » contient l’ambiance spatiale de Pygmalion tout en tenant par la main les refrains rêveurs et mélodies accrocheuses de « Souvlaki ».