Déjà, le titre.
On ouvre la pochette : un croquis de la chanteuse nous montre un schéma-prototype d'un "peddle-stool" (tabouret à pédales, c'est bien cela), portant entre autres la mention "Why just sit when you could be pedalling?"
Makes sense. On va bien s'entendre.
La première seconde de l'album est repoussante. L'accompagnement paraît sommaire - il l'est, surtout la batterie -, mixé dégueulassement, aseptisé comme plein d'autres trucs, bref chiant. Mais bien vite, ce que l'on aime à appeler "une vraie énergie rock" (mes cou*lles) prend le dessus, et c'est plutôt plaisant. Les cordes sont gentiment triturées mais toujours suffisamment éraillées, sans non plus en faire trop (une gageure de nos jours). Pourtant le backing se fait oublier, et sonne assez tôt comme un lointain bourdon : c'est la voix qui, paradoxalement, retient toute notre attention - cette voix blanche, étouffée au mixage, et jamais réhaussée par une Barnett nonchalante au possible.
C'est là la vraie ressource de cet album : on ne sait pas si elle chante bien ou pas, et à vrai dire, peu importe. Ce que l'on retient avant tout c'est une série d'humeurs, assez brillamment communiquées par un humour subtil, pince-sans-rire et jamais complaisant.
Voyez plutôt la première phrase du morceau An illustration of loneliness (sleepless in New York) : "I lay awake at four, staring at the walls, counting all the cracks backwards in my best French"
Qu'on me fustige s'il n'y a pas un peu de vérité là-dedans.
Le plus, c'est qu'avec le côté laidback permanent du chant, les mélodies sont toujours imprévisibles et fluctuantes (semi-improvisées ?). C'est comme écouter Jay Z rapper sur Reasonable Doubt, même si cela n'a absolument rien à voir.
Pas de refrains - ou alors bien dissimulés - ni de couplets, et ce n'est pas le désordre des griffonnages inexacts du livret qui nous dira le contraire. Voilà un atout majeur du songwriting de Barnett qui ici, à l'exception de l'opening track Elevator Operator, n'est jamais strictement narratif, et relève plus de la rêverie, à la fois désabusé et mordant, parsemé d'anacoluthes thémathiques.
Mentions spéciales à :
- Nobody really cares if you don't go to the party : un petit bijou de psychologie appliquée
- Debbie Downer : une géniale utilisation du discours indirect libre à des fins satiriques (Flaubert, es-tu parmi nous ?), couronnée par la métalepse polyphonique finale et sa boucle entêtante malgré elle ("Don't stop listening, I'm not finished yet", ad nauseam)