Aujourd’hui, Blind Guardian met en moyenne quatre ans pour sortir un nouvel album. Sorte de paradoxe, dans un monde où tout va toujours plus vite, les allemands ont eux ralenti leur cadence. Car au cours des années 90, le rythme de sortie était pour le moins plus élevé, notamment au début de cette décennie où le groupe s’est révélé et a conquis le devant de la scène. Entre 1988 et 1998, ce n’est en effet pas moins de six albums studio qui ont vu le jour, avec une qualité allant crescendo. Deux ans après le prometteur Tales From the Twilight World, les compères de Krefeld nous promettent de nous emmener encore plus loin.

Pour ce faire, il ne suffisait que d’éliminer les quelques titres superflus présents sur celui-ci, tout en gardant la même qualité de composition. C’est plus ou moins ce qui a été fait, Somewhere Far Beyond est un peu l’album du « plus » à tout niveau : plus puissant, plus inspiré, plus varié, plus mieux, en somme. On se retrouve donc logiquement avec une galette très homogène et d’un niveau encore supérieur à la précédente, même si la marge de progression est moins impressionnante qu’entre les deux premiers et Tales.... La recette a fonctionné et Blind Guardian la réutilise, sans apporter de réel bouleversement à sa musique.

Peu de changements donc, un ensemble plus varié toutefois, notamment au niveau des rythmes, plus changeants. Un côté acoustique plus présent également (pas uniquement sur la ballade, mais aussi sur « Time What Is Time », qui s’inspire de Blade Runner de Dick ou « The Quest for Tanelorn », tirée cette fois du cycle de Moorcock), ainsi que des orchestrations plus prononcées (« Theatre of Pain »), on note donc toutefois un certain enrichissement sans que le style global n’en soit chamboulé, on reste en terrain connu. Les musiciens ont encore progressé et Hansi maîtrise de mieux en mieux son chant, mais ce n’est pas ce qui explique le saut en avant effectué depuis l’album précédent. Non, le gros plus, c’est vraiment la quantité de bons titres. Les tueries ses succèdent les unes aux autres sans temps mort, car même l’interlude « Black Chamber » ou l’intro à la cornemuse « The Piper’s Calling » s’inscrivent bien dans le tout, même si ce n’est pas ce qu’on retient en premier lieu de ce premier incontournable de la discographie du Gardien Aveugle. On en retient le titre éponyme inspiré de la Tour Sombre de Stephen King et ses sept minutes trente de bonheur, les refrains qui transforment chaque morceau en hymne, la puissance des compositions qui ne font pas que se reposer sur ce refrain mais sont bonnes tout le long des titres… On retient aussi, bien sûr, ce qui est considéré comme LA ballade du groupe, « The Bard’s Song (In the Forest) », depuis reprise entièrement par le public lors des concerts, au point que Hansi n’a même pas besoin de pousser la chansonnette. J’avoue avoir aussi un faible pour la deuxième partie (« The Hobbit »), qui reste souvent dans l’ombre au profit de la première.

Finalement, tout ce qu’on peut reprocher à cet album, c’est ses titres bonus un peu anecdotiques après l’enchaînement de baffes qu’on s’est pris dans la face. La reprise de Queen (« Spread Your Wings »), sans être mauvaise, n’a rien de bien marquant même si le groupe se l’approprie relativement bien, « Trial by Fire » est juste passable (je ne connais pas l’originale de Satan) et la version classique de « Theatre of Pain » n’apporte rien ou presque à l’originale.

Outre ces détails (car il faut bien pinailler), on peut regretter le manque de prise de risque du quatuor qui propose peu de choses vraiment nouvelles, se reposant sur ses acquis en les valorisant. Mais j’ai parfois tendance à penser qu’il vaut mieux rester dans ce qu’on sait faire et le faire bien (ce qui est le cas ici) que d’expérimenter à tout va, se perdre en chemin pour un résultat médiocre. Enfin, je dis ça mais je pense aussi qu’il faut savoir évoluer, oser, tester de nouvelles choses et laisser sa liberté à l’artiste, quitte à décevoir les auditeurs, alors bon…

Blind Guardian a finalement bien tenu la promesse annoncée par le titre du disque. En reprenant les ingrédients leur ayant permis de s’imposer deux ans plus tôt comme une valeur sûre et en éliminant les légères faiblesses présentes sur son prédécesseur, l’opus de 1992 nous emmène bien « au-delà » de ce qu’ils avaient proposé jusqu’alors. Et ce n’était pas fini, loin de là…
Flavinours
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le 10 août 2012

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Flavien M

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