C’est David Crosby qui a repéré cette jeune artiste canadienne fin 1967. Elle jouait dans un club de Floride et Crosby l’a emmenée à Los Angeles où elle a enregistré ce 1er album. Mitchell a pu décrocher un contrat énorme avec Reprise Records alors que pourtant, le folk était démodé à la fin des sixties, laissant place au rock psychédélique voire hard rock naissant. Elle obtient en effet une liberté artistique totale et complète mais à une condition : que Crosby produise son album. Il était rare qu'une femme écrive et enregistre ses propres chansons à l'époque, et encore moins qu'elle se produise en solo sans accompagnement. Mitchell avait déjà repris avec succès en concert des chansons qu’elle avait écrites et enregistrées par d'autres artistes — « Both Sides, Now » et « Chelsea Morning » (Judy Collins), « Eastern Rain » (Fairport Convention), « Urge for Going » et « The Circle Game » (Tom Rush) — mais n'a choisi aucune d'elles pour son premier album. Elle a expliqué plus tard que les chansons de cet album traduisent bien plus l’influence que la musique classique a eu sur elle, plutôt que le folk et les chansons de Dylan. Il s'agit d'un album-concept divisé en deux parties, sur chacune des faces, « I Came to the City » et « Out of the City and Down to the Seaside ». Le premier titre fait référence à l'échec de son mariage avec Chuck Mitchell à Détroit, et « Michael from Mountains » explore un thème semblable, en demandant s'il est possible de vraiment aimer quelqu'un sans le connaître également. « Night in the City » célèbre la vie de la nuit (avec Stephen Stills à la basse), « Marcie » fait le portrait d'une femme seule, sans doute une amie de Joni, et « Nathan La Franeer » termine la face un par le récit authentique de la rencontre avec un chauffeur de taxi amer. Les morceaux sont bons mais c’est la production de Crosby qui limite l’artiste. Ce dernier voulait un son le plus épuré possible, que des 1ères prises et sans post-synchronisation…Il a enregistré Mitchell chantant à côté d'un piano ouvert pour capter les vibrations des cordes en résonance avec sa voix. Joni comprendra les limites de cette production et à partir de là, elle s’autoproduira seule, gardant le contrôle sur tout le processus créatif.