Déjà le huitième album pour les Foo Fighters. Approchant de sa vingtième année d’existence, le groupe mené par Dave Grohl joue la carte de l’ambition avec Sonic Highways, un concept album se proposant, en huit pistes, de nous retracer l’histoire du rock américain. Un projet prometteur mais risqué.
Dave Grohl, « Mr Nice Guy » du rock, homme touche à tout et incapable de prendre des vacances pendant plus de trois semaines, est aussi un expert niveau promo. Le chanteur guitariste des Foo Fighters s’est en effet fait une spécialité, depuis une dizaine d’années, de vendre les albums de son groupe en mettant en avant un « concept ». En 2004, c’était le coup du double album avec In Your Honor. Et il y a trois ans, Wasting Light basait sa campagne de promotion sur le fait qu’il avait été enregistré dans un garage et sur bande magnétiques. Une tentative comme une autre d’apporter un peu de renouvellement au son du groupe, le « pop/rock énervé » des Foo se montrant à terme relativement limité.
Pour son huitième opus, Dave a vu les choses en grand : huit morceaux chacun enregistré dans une ville américaine différente (de Nashville à Seattle). L’enjeu étant que chacun des morceaux parvienne à capter l’essence musicale de la ville concernée. Le tout enrichi grâce aux interventions de guests divers. Pour mieux promouvoir son nouveau bébé, Grohl a été jusqu’à réaliser en parallèle une série télévisée diffusée sur HBO, dont chaque épisode serait consacré à une ville et raconterait à la fois l’histoire musicale de cette dernière et la conception d’un des morceaux. Une campagne de promo impressionnante et millimétrée, mais qu’en était-il de la musique en elle-même ? Hélas, les Foo Fighters sont victimes de leur machine trop bien huilée : l’album est plutôt faible malgré ses excellentes intentions.
La piste d’ouverture, Something From Nothing était pourtant prometteuse : une progression en crescendo, un groove inhabituel chez les Foo, et un final explosif. Une introduction de taille, la suite se devait de suivre. The Feast and The Famine, morceau énergique typiquement foofightersien, rappelle les meilleurs moments de Wasting Light tandis que Congregation calme un peu le jeu mais en restant dans le ton. C’est à partir du quatrième morceau What Did I Do?/God As My Witness, que les défauts de l’album apparaissent plus clairement. Grohl nous propose une sorte de morceau-fleuve épique, aux accents clairement southern rock. La vérité nous frappe alors de plein fouet : il n’y a pas d’inspiration. Grohl recycle des codes préexistants, mais sans leur apporter une vraie identité, on lorgne ainsi dangereusement du côté de la parodie non assumée.
Le constat se poursuit sur le reste de l’album. Outside renoue avec l’énergie rock caractéristique des Foo Fighters, et demeure l’un des points forts de l’album malgré une longueur pas forcément justifiée. In The Clear se la joue punk pop avec son riff étouffé assez simple, le morceau a le mérite de ne pas durer plus qu’il ne devrait, mais reste désespérément fade. Où est le talent de composition dont Dave Grohl faisait preuve sur un morceau comme Arlandria ? Le pire restant toutefois le duo formé par les deux pistes finales. Subterranean commence très calmement, tout en guitares acoustiques planantes, mais ne décolle jamais comme il le devrait. Et il en va de même pour I Am a River, long morceau quelque peu sirupeux qui ne serait pas déplacé à la fin d’une comédie romantique américaine bien mielleuse (vous voyez, le moment où les deux personnages principaux s’enlacent sous la pluie ?). Le tout s’étale sur sept minutes, et quand on se rappelle que le groupe, sur la même durée, était capable de nous pondre un Come Back, ça laisse un goût amer dans la bouche.
Le bilan est donc peu reluisant. Les morceaux sont trop longs, manquent d’inspiration et recyclent bêtement et simplement les influences liées à chaque ville visitée par le groupe, sans prendre le temps d’y insuffler une vraie personnalité. Dave Grohl, l’homme capable de nous pondre des hymnes rock inoubliables tels que My Hero, Everlong ou encore The Best of You semble ici avoir perdu son mojo. Le groupe s’est-il réellement laissé emprisonner par son concept audacieux, l’empêchant de s’exprimer pleinement ? Ou bien au contraire, le concept a-t-il justement été choisi pour masquer une panne d’inspiration de plus en plus flagrante ? Il serait assez triste mais après tout pas impensable que Grohl ait donné tout ce qui lui restait comme talent de compositeur en 2011, pour accoucher du formidable Wasting Light. L’homme en serait donc aujourd’hui réduit à développer une campagne promotionnelle presque démesurée pour compenser le manque de bons morceaux.
Sonic Highways n’est pas foncièrement un mauvais album. L’ensemble reste bien produit, arrangé et joué, et certaines pistes valent clairement le détour. Mais la dernière production des Foo Fighters manque clairement de pêche, de piquant, et plus simplement, d’âme. Le moins bon album d’une carrière pourtant très solide à défaut d’éclats de génie.