Quelques années en arrière, j'achetais encore précieusement l'un des derniers piliers de la BoboSphère. Oui vous savez, ce journal adulant les gesticulations de cette chère Christine and The Queens.
Une semaine, j'étais alors tombé sur une curieuse interview de James Murphy.
Le dialogue entre le journaleux et le nounours barbu New-yorkais était certes enrichissant, rempli de scoops succulents mais je retenu principalement une phrase.
Celle-ci résonnait inlassablement "in my head", à la manière d'un chorus de hit Fm. C'était comme si le Frontman des LCD avait mit le point sur un élément fondamental.
Dans cette anecdote, Murphy expliquait qu'étant minot, il aimait chaque soir s'allonger la tête collée sur son frigo. L'esprit en éveil, il écoutait alors le bruit émie par la bête, celui-ci créait une boucle sonore sur laquelle il s'amusait à superposer mentalement divers sons issus de son imaginaire.
J'ai longtemps cogité sur la chose, je trouve qu'on entend finalement assez peu parler de cette musicalité de l'environnement, de son impact, de ses répercussions et comment elle peut être un vecteur pour établir des schémas mélodiques.
Maintes et maintes fois, j'ai eu cette pensée soudaine que tel ou tel bruit de ma vie quotidienne serait idoine comme point de départ d'une composition, ou comme ajout sur un spectre sonore. Que je pouvais le déformer, le hachurer, le mâcher, le tendre, pour en obtenir une séquence, une sorte de riff.
Enfin, si ce fragment de conversation m'a aussi autant marqué c'est aussi parce qu'il définit bien l'esprit LCD.
Que ce soit dans sa forme générale à travers ses longues pistes aux sonorités cycliques mais aussi dans l'usage en interne de "bruitages" que Murphy transcende en "sons", donc en mélodies.
L'homme en a fait sa marque de fabrique, presque l'identité de son oeuvre, débutant souvent ses tracks d’éléments insignifiants pour les outrepasser à travers l'ajout de couches mélodiques successives. La très KraftWerk dans l'âme : "Get Innocuous!" est une illustration parfaite de ce procédé.
Murphy est un magicien du mixage, un savant fou qui balance ses influences dans une fiole , transformant ainsi la matière première par le vecteur énergique de l'electro, en mixture Dance progressive.
Si Sound Of Silver est bien moins généreux quantitativement parlant que son prédécesseur, il est nettement plus calibré . L'oeuvre est canalisée, mais surtout elle a trouvé une caractérisation.
Quoi que variée et toujours aussi difficile à définir, elle se retrouve unie par des couleurs de sons communes que ce soit dans sa forêt de synthés, des kicks de batterie ou de la basse typée Post-Punk à la fois sec et tonique.
Ce patchwork d'influences disséminées au sein de l'album avec la plus grande des finesse, fait beaucoup de sa vitalité :
À l'image de "Us Vs Them" mariant la funk et l'electro dans un champs de bataille ou assauts de guitare Funky et longues boucles de basses se voit canardés par une pluie de percussions.
Ou encore son hit "North American Scum" qui mêle un couplet groovy minimaliste, pour bien tabasser l'auditeur lors du refrain et ses "HA HA AH WHE ARE NORTH AMERICAAAN SCUM" assénés sur une bourrasque Rock.
Sans oublier, le final déchirant, exprimé par James sous la forme d'une lettre d'amour envers sa ville : New-York. Une fresque auditive scindée en deux parties, l'une faite d'un piano léger survolé d'une voix mélancolique, l'autre ou tout explose, les notes s'envolent, la batterie décuple les breaks et James s'égosille de tristesse.
Un grand moment, pour un grand album, qui démontre les outils pop ne sont pas les seuls maîtres quand il s'agit de s'accaparer différents styles sous une même tutelle. L'electro à aussi son mot à dire et son déploiement laisse une grande liberté interne pour y adjoindre des pigments sonores venus de toutes les sphères.
Pour cela Murphy à une intelligence, un feeling, peut-être naturel ou issus d'un travail mastodontesque, pour hiérarchiser ses inspirations dans une osmose progressive qui rayonne à chaque fin de piste.