DEPECHE MODE : CHAPITRE 12, « SOUNDS OF THE UNIVERSE » OU LA FROIDEUR SYNTHÉTIQUE « MODERNE ».

Qui a dit que les plus belles histoires d’amour donnaient forcément lieu aux plus beaux enfants? Personne n’est-ce pas? Nul ne sait si par exemple la copulation de Roméo et Juliette aurait donné naissance à de biens beaux enfants ou à d’infâmes laiderons. De même que dans un cas positif où l’histoire d’amour se termine bien, la fin de l’histoire insiste toujours plus sur la quantité que sur la qualité : « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Par conséquent, qu’en est-il de l’idylle entamée par Martin Gore en 2008 avec les vieux synthés vintages analogiques qu’il a adopté sur e-bay??? Sa passion pour ces instruments poussiéreux enregistrés avec une technologie moderne allait-elle déboucher sur de bien beaux enfants ou simplement sur « beaucoup d’enfants » qui le rendirent heureux davantage lui que son public? Il faut se pencher sur le nouvel opus de 2009 : « Sounds of the universe » pour avoir la réponse…un bien étrange opus par ailleurs!


Cet opus est bien étrange dans la mesure où c’est un paradoxe à lui seul : il reste à ce jour l’album le plus froid et le plus « moderne » du groupe (un poil moins que « Exciter » remarque…) et bizarrement un des moins modernes également! Les sons donnent effectivement l’impression de venir de « l’univers » mais au sens très large du terme : il y a effectivement ce côté extraterrestre très « spatial » que l’on peut retrouver sur l’instrumental « Spacewalker » notamment…ou sur « Come back » (pas un point fort du disque par ailleurs), et aussi un côté très « vieux » sons des années 80 comme sur « Jezebel » ou « Little soul » (les deux morceaux chantés par Martin). Bon, mais ce mélange entre ambiance futuriste/modernisme et sons rétros/80’s comment ça sonne au final, et est-ce que l’album est bon au final? Oui…assurément il l’est! Depeche Mode signe là encore un album de qualité qui ne fait pas tâche dans sa discographie…mais un album bien moins efficace que « Playing the angel » et plus ou moins tous les albums sortis depuis « Some great reward »…… ouch!


Commençons par les points forts du disque, ou les plus beaux enfants engendrés par Martin Gore ici : « In chains » en ouverture se défend plutôt bien malgré un son de saturation bizarre qui met un moment à s’estomper au tout début au moins c’est une entrée en matière intéressante! La voix de Dave Gahan est impressionnante : très chaleureuse et d’une souplesse technique peu commune, elle porte le morceau à elle seule qui reste en lui-même assez peu fourni en terme de sons ou de rythme…tout réside donc dans l’efficacité minimaliste et la performance vocale. Les deux morceaux suivants en revanche ne font pas de cadeaux! « Hole to feed » est un très bon morceau, plus « dur » au niveau du chant et avec une rythmique cahotante jubilatoire, il est également un des trois morceaux signés ici par Dave Gahan! Quant-à « Wrong » principal single de l’album ce n’est ni plus ni moins qu’une bombe…un chef d’oeuvre de la mort qui tue…un ovni inclassable!


Tout commence par des « WRONG » froids et glaçants et ponctuant le morceau de façon régulière à mesure que la voix impitoyable de Dave vient scander un phrasé (limite rappé) au groove et à l’efficacité remarquable! Les chœurs de Martin Gore (« to loooooong ») sont lugubres et filent le frissons, tandis que sur un beat synthétique et une absence de vrais refrains Dave continue son auto-destruction de lui même à grand coup de : « I was born with the wrong sign, in the wrong house, with the wrong ascendancy, i’ve taken the wrong road…that led to…the wrong tendencies! » : écho évident à son passé tumultueux et pamphlet brutal d’un anti-héros auquel la vie n’a jamais souri…le clip est par ailleurs glaçant (même si le groupe le trouve amusant…pris au 2nd degré peut-être)! L’intensité du morceau va en crescendo et est tout juste interrompue par un bref passage synthétique minimaliste qui interrompe le morceau pour mieux le laisser repartir de plus belle. Chaque scansion de Dave est ici une série de coup de poings assénés à nos oreilles, chaque souffle, chaque note est d’une puissance dévastatrice qui nous plonge vers un abîme de ténèbres toujours plus dense et éprouvant à mesure que le morceau progresse, et ce jusqu’à un climax final qui nous met à terre et nous donne bizarrement envie d’en prendre à nouveau plein les oreilles!


Bref, vous l’aurez compris « Wrong » est un chef d’oeuvre et un très grand morceau de Depeche Mode…un des 4 ou 5 meilleurs morceaux du groupe facilement! Et justement, c’est un peu le problème du disque : tout ce que le groupe tentera à côté sera forcément plus insignifiant malgré des qualités musicales indéniables. « Peace » le second single par exemple a beau ne pas être un « grand » classique, il reste néanmoins un très beau morceau avec un refrain magistral et une performance vocale de Dave Gahan bluffante…il nous montre qu’il est bien capable d’aller dans les aiguës si il lui en prend la fantaisie tiens! Il y a d’autres bons moments : « Corrupt » qui clôt l’album est un morceau lent et lourd où le chant est particulièrement menaçant et dont le riff de guitare est particulièrement vicieux et efficace. « In sympathy » est un très bon morceau d’electro-pop moderne aux refrains touchants et mélancoliques avec des paroles cathartiques plutôt profondes! « Fragile tension » est une sorte d’electro/rock venant se placer après « Wrong » et faisant pâle figure à côté malgré un sens de la mélodie indéniable et un traitement sonore très intéressant…c’est un peu le genre de morceau qui fait un effet « bombe à retardement » généralement. De même que pour ce qui est de « Little soul » et « Jezebel » (chantés par Martin) ils sont nettement moins faciles à appréhender malgré une mélancolie et une finesse musicale indéniable.


Concernant les deux autres compos de Dave Gahan, elles sont (pour le coup) moins convaincantes : « Come back » n’est pas désagréable mais tourne vraiment à vide malgré une ambiance ultra futuriste pas dégueulasse et relativement intéressante, et « Miles aways » est très sympa mais aurait peut-être gagné à se montrer encore plus « rock » dans son approche…les synthés empêchant un peu le morceau de décoller pour une fois. Bref, On a du mal à rentrer immédiatement dans certains morceaux à cause d’une production étrange à la fois ultra moderne et « vintage » qui manque peut-être un peu de souffle par moments. Par contre pour ce qui est de la qualité de composition en elle-même elle reste impressionnante! Il n’y pas de morceau mauvais ou moyen…mais le traitement sonore manque un petit peu de classe et de punch comparé aux œuvres précédentes du groupe et ne rend pas forcément justice à de bien belles mélodies qui pourtant sont bien là (sur « Peace » par exemple).


C’est un bien étrange album que l’on a là mais qui demeure très bon et qui a le mérite de contenir « Wrong » qui est, je le répète, un très grand morceau. Je ne conseillerais pas particulièrement « Sounds of the universe » pour découvrir Depeche Mode, mais c’est un passage obligé et agréable si vous êtes un minimum fans du groupe et un très bon disque bien que pas toujours très accessible aux premières écoutes… Une fois encore Depeche Mode se réinvente et innove de manière à faire évoluer son son, la tournée qui suivra sera à nouveau victorieuse bien que tempérée par des événements pas toujours très « funs » (décès du père de d’Andrew, annulation de dates à cause de gros soucis de santés pour Dave qui heureusement ont étés réglés depuis…).


Cela sera également une période de total apaisement pour le groupe : Martin Gore s’est finalement débarrassé de son addiction à l’alcool, et le groupe n’a jamais été aussi heureux de se retrouver pour composer. C’est sur une des dates que les vieux fans seront émus de revoir Alan Wilder sur scène au piano pour accompagner Martin sur « Somebody » … sorte de métaphore montrant à quel point le groupe est réconcilié et en paix avec son passé, et malgré toutes ces années à son actif, se prépare à aller de l’avant…pour un treizième album studio : « Delta machine » en 2013!

Venomesque
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le 10 déc. 2016

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