En 1977, malgré le succès commercial (finalement assez relatif, même si la chansons deviendra un classique incontournable au fil des années, et servira dans la bande son de nombreux films et séries TV) de son hit "The Reaper", le Blue Öyster Cult vient de laisser échapper la chance d'être reconnu à la mesure de ses immenses qualités : le virage "rock californien" entamé avec l'album précédent, "Agents of Fortune", la rupture avec les années "mythiques" et leur imagerie SF impressionnante les ont décrédibilisés vis à vis de leur public originel, sans qu'ils aient gagné pour autant beaucoup de nouveaux fans.
"Spectres", à la différence du maladroit "Agents of Fortune", est pourtant un excellent album, qui contient d'abord deux nouveaux classiques du groupe, "Godzilla" et "RU Ready 2 Rock ?", qui deviendront des temps forts des concerts du groupe. Ce qui est sans doute plus intéressant, c'est le nombre de morceaux mélodiquement très réussis sur cet album... sans oublier quelques évocations puissantes de mythes classiques (spiritisme, vampires).
Le groupe, encore dans sa formation d'origine, est ici au meilleur de sa forme, avec des compositions inventives et variées (Albert Bouchard, rappelons-le, est responsable de certaines des plus belles trouvailles du groupe), avec la voix impeccablement agressive d'Eric Bloom et avec les fameux solos de guitare, littéralement enchantés de Buck Dharma...
Mais en 1977, la planète Rock tourne désormais autour d'un autre axe, et ce Classic Rock (comme on l'appellera bien plus tard) n'est plus d'actualité. Il suffit pourtant aujourd'hui de réécouter "The Golden Age of Leather", un morceau à l'architecture complexe déroulant surprise après surprise, aux ambitions rappelant celles des deux premiers albums du BÖC, ou encore des réussites mélodiques comme "Death Valley Nights", "I Love the Night" ou "Nosferatu" pour mesurer le niveau d'excellence qu'avait alors atteint le groupe.
[Critique écrite en 2016, et remise en forme en 2021]