C'est beau comme un éclair qui fend l'orage.
C'est un train qui vole sur les eaux, un dragon qui flotte dans les airs.
Ce sont deux wagons fusant vers l'horizon à la surface d'une mer d'un bleu cristallin, dans la quiétude d'un crépuscule d'été. Au coeur de cet océan modelé par des larmes de pluie, deux rails parallèles crèvent le paysage d'un aller simple, voyage initiatique sans retour certain d'une petite fille.
Voyage dans le voyage, au bout de la nuit, pour percer le secret de son ami au milieu des ténèbres du fond du monde. Affublée d'une ombre masquée mais sans visage, le mutisme de son périple n'est troublé que par quelques notes de piano résonnant haut et profond, beau et triste, optimiste et mélancolique, se confondant entre le bleu du ciel et celui de la mer.
Dans cette atmosphère vaporeuse, les stations défilent, points de terre écrasés par l'immensité marine, les ombres glissent hors du champ de vision vers leur avenir incertain. En un instant, elles disparaissent, s'effritent, et ne laissent dans nos esprits que l'empreinte furtive d'une petite fille égarée au bord du quai.
Vu de près, vu de haut, cet océan interminable continue d'engloutir tout point de repère en-dehors de ces quelques gares. Des bains au sixième arrêt, une éternité s'est produite, du sixième arrêt aux bains un instant suffit.
Un instant suspendu, en chute libre dans le fracas d'une pluie argentée, un instant égaré entre le calme terrestre d'une campagne et la légèreté aérienne d'un dragon. Un fracas qui sonne comme une révélation, comme un changement définitif.
Celui d'une petite fille impatiente, égoïste, entêtée en une jeune fille travailleuse, honnête, dévouée. Un changement magique, merveilleux, opéré au sein d'un univers fantastique, foisonnant et surprenant.
Comme au milieu d'un rêve, la terre est submergée par des eaux calmes. Le monde ne se divise qu'entre air et eau, dans une douce fluidité agitée par le caractère flamboyant d'une petite fille cherchant à sauver ses proches.
Au bout du tunnel, au bout des rails, au pied du sixième arrêt, une brise légère, chaude, caresse son visage. La lune surveille la sérénité de la mer au-dessus des nuages.
Le soleil sera bientôt là.
Chihiro rentre à la maison.