Sainte colère contre l'intégrisme culturel !

St. Anger, l'album honni parmi les albums honnis. Sorti en 2003, Instantanément et unanimement détesté par la critique, les fans (surtout les anciens), les "professionnels" et autres amateurs avertis. Tant et si bien qu'on a fini par admettre sans trop se poser de questions que St. Anger était un mauvais album, un point c'est tout.
Mais pourquoi tant de haine ? Bon, pour le son de la caisse claire, on est bien d'accord qu'il ne faut ni oublier, ni pardonner ; car celui qui ne retient pas les leçons de l'histoire est condamné à les répéter. Mais si on relit les vieilles critiques, on voit bien que ce n'est pas le seul grief qui avait été retenu. Alors, pourquoi tant de haine ?
Modestement, je propose l'explication suivante : l'intégrisme culturel. Le "c'était mieux avant". Les fans nostalgiques de la période trash-metal des années 1980 qui répandaient allègrement cet affreux cliché avaient décidé de détester l'album à la seconde où ils ont entendu quelque chose à laquelle ils ne s'attendaient pas. Amusante coïncidence, c'est aussi en 2003 qu'est sorti l'Attaque des clones, membre de la trilogie cinématographique la plus visée par cette haine aveugle de ce qui est nouveau, différent et inattendu.
Effectivement, St. Anger n'était pas ce que les fans attendaient. Après ...And Justice For All, qui reçut un accueil correct-mais-sans-plus, Metallica sort le grand classique Black Album en 1991, hissé on ne sait trop comment au rang de "meilleur album de Metallica" (même si cet album déchire, c'est sûrement le plus unique au sein de la discographie de Metallica ; c'est donc plutôt étrange que tout le monde aime celui-là). Et après, Metallica fait des trucs bizarres. Avant S&M, le groupe nous offre la double soupe Load-Reload qui malgré quelques pétites (The memory remains, until it sleeps, etc.) donne plus envie de vomir qu'autre chose. Et enfin, en 1998, le double album de reprises Garage Inc., globalement bien sympathique mais très hétérogène (je tue un chaton à chaque fois que j'écoute free speech for the dumb).
Et puis, silence radio (discographique en tout cas). Pendant longtemps.
Et puis, St. Anger. Et là, les fans étaient comme des enfants fatigués : énervés, à fleur de peau, hurlant pour un oui ou pour un non. Ils ont entendus des chansons longues, répétitives ; des rythmiques plutôt inhabituelles, travaillées, des sons assez nouveaux. Il y avait des passages lents, mais nerveux... puis d'un coup, plus calmes... Et ça repartait sur un riff où la guitare était plus effacée, mais plus chantante. Des morceaux où il se passait à la fois plein de choses et pas grand chose. De la musique progressive en quelque sorte, plus travaillée, nécessitant d'avoir une oreille un peu plus attentive et plus sensible aux rythmiques et aux phrases mélodiques plus exotiques. Et, comble de l'hérésie, de l'horreur absolue, cause de la damnation éternelle du groupe pour certains : ... Pas un seul solo de guitare...
Alors les fans (et les critiques) se sont énervés. Comme des enfants fatigués et contrariés, ils ont pleuré. Et puis ils ont boudé, répétant en boucle et comme un seul homme qu'ils venaient d'entendre la pire bouse leur vie.
J'ai découvert St. Anger quelques semaines avant la sortie de Death Magnetic, en même temps (plus ou moins) que le reste de la discographie. Je n'y ai rien vu d'autre qu'un album chargé d'émotions. Des émotions qui n'étaient pas seulement violentes, mais plus profondes, plus complexes. J'ai entendu des chansons bonnes et des moins bonnes, qui montraient une évolution intéressante de la discographie du groupe. J'avais la sensation d'entendre quelque chose de nouveau, de différent. Ce que visiblement, la majorité des gens a détesté.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils ont confondu deux choses. Ayant entendu quelque chose à laquelle ils ne s'attendaient pas, ils ont décidé qu'ils n'aimaient pas. D'où le "c'était mieux avant".

Cette attitude est déplorable en général, mais elle l'est tout particulièrement dans le monde de la musique et de la culture. Oui, parfois, c'était mieux avant. Mais quelle fermeture d'esprit que de préférer systématiquement le passé, pour la seule raison qu'il est connu et rassurant ! Parfois, c'est presque un refus de l'avenir, de la nouveauté, de la différence. Donc voilà, "intégrisme culturel", c'est peut-être une formule un peu extrême, j'espère que vous me le pardonnerez.

Ne vous dites pas que c'était mieux avant, parce que c'est vraiment triste. Dites-vous plutôt que ce sera mieux demain. Et le prochain qui me dit que c'était mieux avant, je lui fais bouffer la VHS de Star Wars IV.