Pour moi la meilleure BO de Star Wars, une saga qui se distingue déjà par une musique exceptionnelle de bout en bout (même la postologie qui n'invente rien de neuf mais qui réutilise à merveille les thèmes orignaux de la saga). Dans cette OST John Williams parachève magistralement la symphonie qu'il avait débuté des années plus tôt avec Un Nouvel Espoir.


Pour prendre un exemple de ce parachèvement : le thème de l'empereur. Habile mélange entre la marche impériale (introduite dans L'Empire contre attaque, un des morceaux les plus célèbres de l'histoire du cinéma), qui lui est intimement liée et pour cause il dirige l'empire, et une noirceur jamais explorée jusqu'à là dans la saga, à grand renfort de choeur aux voix sinistres et monacales. L'empereur Palpatine, enveloppé dans son capuchon pour masquer la laideur de son visage déformé par le côté obscur, a l'air d'un de ces moines sinistres sortis d'un roman d'Umberto Eco. Tout est dit du personnage : un homme lugubre à la mystique sombre, dirigeant d'un empire totalitaire. Lorsque Palpatine arrive sur l'étoile de la mort, son imposante station spatiale de combat capable d'anéantir des planètes entières, la puissance impériale est à son apogée, comme la malfaisance du côté obscur qui rayonne de sa noirceur sur toute la galaxie. Dans une alliance du martial et du religieux, John Williams le dit si bien. On ne pourrait avoir que la musique qu'on parviendrait à comprendre les grands enjeux du film. C'est toute la force de cette bande-originale fait de leitmotivs fabuleux, à la manière d'un Wagner mais dans un immense opéra sans parole.


Autre moment incroyable, qui suit l'arrivée de l'empereur, l'arrivée de Luke sur Dagobah où il retrouve Yoda, mourant. Le film dresse le parallèle entre les deux camps, le bien et mal qui rassemblent leurs forces. Mais le bien est loin de la splendeur militaire du mal. Le thème de Yoda, toujours aussi serein et merveilleux décline peu à peu, le thème de la force aussi, s'étiole, se recroqueville. Le vieux maitre va mourir. Dans un dernier souffle, il glisse un terrible secret à son jeune apprenti puis disparait, comme tous les grands jedis pour rejoindre la Force. Il meurt serein, mais laissant Luke désespéré. Ce moment est illustrée par 'une courte marche funèbre, intitulée "La mort du jedi" et qui réutilise le thème de la force dans une version bien plus sombre.


Mais le point d'orgue de cette orchestration c'est la triple bataille finale, espace, terre et duel de sabres s'entremêlent avec brio : thèmes martiaux, épiques, pleins de tensions et de suspens, mélange habile de tous les thèmes déjà entendus dans la saga, comme pour illustrer le grand final, entrecoupé des sinistres mélodies de l'empereur. L'usage des cuivres, pétaradant ou au contraire d'un gras sombre et lugubre est ici décisif. Peu de compositeurs ut!lisent aussi remarquablement les cuivres. Souvent aux second plans dans d'autres compositions, Williams leur donne des lettres de noblesse. Lorsque Luke, laissant sa colère jaillir de son sabre, comprenant que jamais il ne pourra sauver son père, s'élance pour le combattre, la musique, pour une des rares fois chez John Williams, qui aime tant les variations et les rythmes impromptus, est à l'unisson. Cordes et choeurs chantent ensemble pour le dernier duel entre le père et le fils. La grandeur de cette bande originale est résumée tout entière ici : l'épique prend tout son sens, associé il faut le dire à une intensité dramatique extrême - ce que les autres films auront du mal à reproduire.


Puis viennent les moments des adieux, celui où le père retrouve le fils. Là encore John Williams change ses habitudes. Le thème de l'empire, sinistre, devient ici tragique et mélodieux, calme et apaisé, parce que Vador redevient celui qu'il était avant de devenir un monstre. Il meurt dans les bras de son fils, harpe, violons hauts perchés, le thème célèbrissime prend des allures étranges, éthérées, mortuaires puis se prolonge à la guitare, un court instant.


On pleure la disparition d'un des plus grands antagonistes du cinéma. On oublie à quel point Le retour du Jedi est sombre. Parce qu'on est happé par les petites trognes des Ewoks, entre émerveillement et agacement devant ses jouets sur pattes qui entrecoupent les grandes tragédies qui se jouent : la mort du maitre et la mort du père pour Luke, qui se découvre fort heureusement une soeur sur le tard. A côté de cela, les petites mélodies champêtres et traditionnelles de Williams développées pour le palais de Jabba ou les Ewoks paraissent secondaires. C'est le souffle de la dramaturgie qui emporte tout.


Je ne m'étais pas exprimé, je crois, sur la qualité de ces merveilleuses musiques. Elles résument pourtant si bien la saga. Elles sont la saga, son âme, profonde, sans l'ombre d'un défaut. Jamais elles ne commettent d'impairs, là où les films parfois sont maladroits. On pourrait les commenter des heures : le thème de Leia par exemple, absolument sidérant de beauté et de douceur. John Williams allie le génie du leitmotiv musical et l'art de l'émotion, sachant entrainer l'auditeur dans des marathons haletants qui expriment si bien la guerre, l'espace et la bravoure, bref le grand spectacle hollywoodien et auréolant les personnages d'une profondeur qu'ils n'ont pas toujours à l'écran. La personnalité de nos héros et de nos méchants tient tout entière dans la musique qui est comme leur prolongement, émotionnel et caractériel. Ecouter le thème de la force c'est invariablement songer à Luke, écouter le thème de l'empereur, c'est sombrer dans la noirceur de son âme.


La musique de Williams est devenue un archétype. L'aboutissement d'un genre, celui du space opéra, d'un style, le sien, marque des grands, et sans doute le plus subtil ingrédient d'une véritable mythologie. Dans 100 ans, on en parlera encore !

Tom_Ab
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le 25 sept. 2019

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