J’aurais pu associer les réflexions qui suivent à d’autres albums sortis au cours des derniers mois. Mais le 6e album d’Ulcerate me permettra très bien d’illustrer mon propos : C’est avec des albums comme Stare Into Death and be Still que le death metal se renouvellera durablement.


Considérations politiques, spirituelles, religieuses, philosophiques, fictions horrifiques ou fantastiques, héritage lovecraftien ou amour de la science-fiction, les thèmes qu’a incarné le death metal depuis plus de 30 ans sont légion.


Mais au fond, c’est quoi le death metal ? Perso je me suis donné un peu de peine, et je formule l’hypothèse suivante : le death metal confronte celles et ceux qui l’écoutent, et celles et ceux qui le produisent, à leur propre mortalité, au caractère fini de l’existence. Les gars de Necrot disent ça très bien dans leurs interview récentes.


Pour remettre les yeux des gens en face des trous, il a parfois (souvent) fallu choquer . Cannibal Corpse, Autopsy, on connaît l’histoire. Sur le premier album de Carcass, Reset Metal fait une analyse très juste. Sauf que le metal extrême, c’est comme le cinéma de genre : à force de mater trop de films d’horreur, les jump-scares vous font de moins en moins peur. A peine si The Thing vous fait encore sursauter.


Par exemple je pense que depuis Gorgasm, il n’y a plus beaucoup de groupes ou d’albums qui m’aient refilé ce frisson tout caractéristique où je me dis wah j'étais pas préparé à voir ou entendre une horreur pareille.


L’escalade graphique n’a plus aucun sens, plus personne n’a envie d’écouter Pissgrave en tombant sur leurs pochettes. Elles sont moches et nulles.


Suis-je devenu insensible à la chair à vif, et aux yeux énucléés ? Non, certainement pas. Mais aux représentations de la souffrance ? Peut-être un peu plus. Quelle époque de merde en même temps. Mais passons.


Ulcerate a toujours été un groupe très introspectif. A ce titre j’en fais les précurseurs de pas mal de groupes au succès récent : Blood Incantation, Necrot, peut-être également Chte’ilist et Venenum. Les textes des néo-zélandais sont abstraits, leurs compos alambiquées. Certains trouvent ce dernier album indigeste. Et sans être aussi catégorique, j’admets lui préférer Shrines of Paralysis, son prédécesseur.


Mais cet album me fascine parce qu’il explore explicitement la sidération de l’homme face à la mort. Et là, la souffrance ne relève plus de la fiction. L’horreur, on ne la trouve plus seulement sur un artwork ensanglanté ou un dans des samples de films d’horreur de série Z. Ce qui fait mal au quotidien, ça n’est pas de se faire décapiter par un zombie dans une morgue abandonnée. C’est le deuil, la dépression, la douleur de la maladie ou la difficulté de gérer ses émotions.


Ulcerate utilise avec brio le registre du death metal moderne pour mettre ça en musique. Ces riffs mineurs, cette basse ronflante qui me tombent sur le râble. Ces leads de guitares affûtés, jouant sur la nuance entre dissonance et harmonie. Encore une fois c'est irréprochable.


Visiblement les textes ont été inspirés à Paul Kelland par une expérience personnelle traumatisante. Ca me regarde pas, mais je comprends. En écoutant Stare Into Death and Be Still, je retrouve un peu cette frontière perdue entre l’horreur de la fiction et la souffrance du réel. Je ne suis pas éternel, et Ulcerate non plus. Mais j’ose rêver que le death metal, c’est pour toujours. Parce qu’il nous restera au moins ça pour regarder l’horreur en face.

P1ngou1n
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le 2 nov. 2020

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