Ressenti publié dans le cadre de mon classement intégral de la discographie de David Bowie, composée de 26 albums studio.
Numéro 4 : Station To Station
La période glam du chanteur totalement révolue, ce dernier s'est par la suite essayé à la musique funk et soul avec Young Americans, album bien reçu dont le renouveau de l'artiste aura été salué. Le reste de l'année 1975 et de l'année suivante auront été mouvementées pour celui qui se fera appelé "The Thin White Duke"'. Beaucoup de choses se diront sur le quotidien de vie de David Bowie, certains de ces "on-dit" deviendront même des sortes de mythes de la culture rock.
Le chanteur, suivant un régime à base de pivron et de poudre blanche, est dans une état psychique qu'il considérera lui-même comme chaotique. Sans cesse angoissé, il se verrait à avoir des hallucinations, jusqu'à voir le diable en personne sortant de sa piscine. Une histoire qui alimente les rumeurs liées à l'occultisme dans lequel ce serait plongé Bowie, ce dernier étant à cette époque-là fasciné, comme beaucoup alors, par Aleister Crowley. Le personnage incarné à ce moment-là, ce Duc mince et blanc, est le plus froid de ceux caractérisés jusque-là par le chanteur, créant d'autant plus une distance entre Bowie et le monde extérieur, devenant une figure plus floue encore pour le public.
Tous ces à-côtés, l'artiste ne les alimentera par le futur, annonçant à plusieurs reprises qu'il n'avait plus aucun souvenirs de cette période là. Le disque ne sera aucunement noyé par toute la mythologie qui l'entoure. Le succès commercial aura été présent, les critiques unanimes et avec le temps, Station To Station s'impose dans l'inconscient collectif comme l'un des tous meilleurs projets de l'artiste protéiforme.
Ce gros morceau de dix minutes qu'est le titre éponyme ouvre l'album et c'est juste dément. Une intro formidable, qui percute avec un rythme régulier en incorporant de nouveaux éléments jusqu'à ce que la voix fantomatique du Thin White Duke se fait entendre, au bout de deux minutes du morceau. Les percussions se font ressentir, la guitare se ballade, le chanteur à la voix forte et pourtant l'ambiance est tout aussi lancinante que percutante, les claviers n'étant certainement pas innocents dans l'affaire. Nous avons pendant cinq minutes un titre formidable que nous voulons voir perdurer jusqu'à ce que le morceau devienne tout autre chose de la manière qui n'aura pas fini de marquer et stimuler l'auditeur. Une chanson éponyme devenant dansante, où le titre se remplit et explose avec chacunes de ses composantes qui font de Station To Station le morceau grandiose qu'il l'est. Un plaisir inlassable à l'écoute et une fascination qui ne se meurt pas. "Golden Years" reprend l'aspect funk de la deuxième partie du morceau en s'assumant plus comme tel. Si les écoutes me rendent le titre plus plaisant à chaque fois, il reste celui que j'apprécie le moins de l'album. Rien à redire sur le morceau pour lequel je n'ai aucune réserve musicale, juste qu'il ne me parle particulièrement. Contrairement à l'excellent "Word On A Wing" , plus soul mais avec toujours cette couleur grisâtre et cette ambiance froide qui ressort toujours de l'album, ici à travers notamment ce synthé qui accompagne si merveilleusement bien un Bowie très en forme dans ces magnifiques refrains qui représentent pour moi les meilleurs moments de ce splendide morceau. "TVC15" et surtout "Stay" reviennent sur des sonorités funk avec cette petite touche expérimentale et c'est une nouvelle fois avec succès. Si le premier ressemblerait peut-être plus à ce qu'était la deuxième partie du morceau éponyme, le second est lui presque dans la continuité de ce que faisait l'album précédent, Young Americans, une sorte de suite à "Fame" en suivant un rythme bien plus frénétique. L'album se conclue sur une merveilleuse reprise de la chanson "Wild Is The Wind", originellement de Johnny Mathis puis popularisé de manière splendide par Nina Simone, Bowie ici tient la dragée haute à ces artistes en signant ce qui est très certainement sa meilleure reprise en carrière. Une merveilleuse mélancolie, profonde et dans laquelle on aime se perdre. Quelle belle manière de conclure un disque génialissime.
Tout y est dans ce Station To Station, tout est produit à la perfection, différentes tonalités dans une ambiance parfaitement incarnée et palpable. Un Bowie en très grande forme vocalement et très inspiré, fermant par la même occasion le volet de la cocaïne et allant s'exiler avec son ami Iggy Pop dans les rues de Berlin. Il y a d'ailleurs dans ce Station To Station des réminiscences de ce que sera l'année 1977 pour celui qu'on surnomme souvent "le caméléon". Pourtant, il ne faut pas résumer le projet à celui qui serait "dans la continuité de x" ou "le précurseur de y". Non, Station To Station est un très grand album qui doit encore se digérer, 47 années plus tards..