Storm Warning arrive à faire la synthèse de différentes périodes de Black Sabbath, avec un mixe de Candlemass, de Saint Vitus, le tout définissant un peu plus la composition du "Traditional Doom Metal". Parfois le public trouve le Doom rasoir, à cause de groupes assez plat et qui se contentent de jouer avec des instruments plutôt que de faire vivre des morceaux. C’est rebutant, et on s’ennuie vite en se demandant « qu'est-ce que c'est qu'ce truc ? » L’atmosphère penchent ici plus vers le sombre que le mélancolique, plus vers le neurasthénique que l’épique.
Le chant n’est pas tout le temps convaincant, mais il s’en sort quand même par sa façon semi-lyrique et semi-goguenarde d’accompagner les instruments. Pourtant, Christian Linderson donne parfois l’impression d’être hésitant, tout en restant en accord avec les instrumentaux. Within the Garden of Mirrors est harmonieux, mais on sent que ce n’est pas toujours simple sur le refrain. Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que ça soit un chanteur extraordinaire, mais il est solidement au-dessus de la moyenne grâce à un chant distinctif qui a un minimum de caractère. "True Revelation", sorte de litanie, est une très bonne prestation. A part de rare fois, il ne cherche pas à dépasser en teneur d’autres chanteurs de Metal, mais va plutôt se placer sobrement derrière les timbres d’Ozzy Osbourne ou d’Eric Wagner.
Tout autre chose est la teneur des paroles, même si cet album est moins complotiste que ceux qui vont venir. Exit les excentricités de Mercyful Fate ou de Pentagram, avec Count Raven c’est politique. Equivoques, ces paroles abordent la société qui décline et comment elle s’est éloignée des valeurs chrétiennes comme la bienveillance et l’altruisme. C’est de la prédication mordante, qui colle bien avec les intonations persifleuses de Christian Linderson ou de Dan Fondelius.
La production est très bien trouvée. Tout rappelle beaucoup Black Sabbath, c’est probant, cependant les musiciens trouvent le moyen de se démarquer. On garde un son Rock massif et d’une épaisseur qu’on peut presque ressentir, hyper-lourd, avec instruments amplifiés et guitares pesantes. Malgré ça, Dan Fondelius sonne déjà de sa façon si caractéristique, la basse de Tommy Eriksson porte bien la guitare, est mise parfois en avant et permet à l’album de garder le rythme ("In the Name of Rock’n’Roll"). Plus que les autres instruments, c’est la batterie qui se distingue : propre, mais avec une caisse claire sèche et une grosse caisse qui a du volume. Ce son détermine bien Count Raven, et le groupe va s’en servir jusqu’à Mammons War – la production va tourner différemment avec ce disque et son prédécesseur. L’ensemble sonne un tiers Rock~Punk, deux tiers Heavy Metal, et ne tombe ni dans la facilité du gros « groove » qui tache, ni dans le Metal parfois hargneux, parfois snob ou les deux.
Si le groupe ne chercher pas à s’émanciper sur la forme de Black Sabbath, c’est plus compliqué pour la recherche musicale. Les coups de grattes sonnent comme ceux de Tony Iommi, plus l’approche austère du « Traditionnal Doom » mais la folie de Bill Ward en moins. La batterie répond bien, surtout quand la caisse claire se met à mener tout le monde, mais elle n’est pas renversante. Si on rajoute un chant très-très proche de Osbourne de par l’intonation et le timbre, on peut se demander où est l’identité du groupe. C’est là où Count Raven réussi le tour de force en assumant son côté « BS Suédois », à cheval entre un public international et un cover band local, plus plein de petites touches différente du groupe anglais, le tout servi avec beaucoup de justesse et de maitrise. Les riffs de Tony Iommi hyper caractérisés, sont délicats à jouer tellement on les identifie vite, et Dan Fondelius vient " sur-jouer " ce style en montrant à quel point c’est quelque chose de subtile de jouer des accords de façon simple mais original, sans ennuyer l’auditeur, en plus de s'en inspirer sans plagier. Mais la technique ne suffit pas : non seulement ses riffs sont propre à lui, mais en plus son très bon et bien posés. L’ensemble agrémenté par des solos presque volontariste, passionnés et un peu fou, faisant monter le rythme avec effervescence.
Dans l’ensemble, l’album est bien rythmé, aucun morceau n’est laissé sur le côté car ils sont tous d’une haute qualité et différents les uns des autres. Aucun n’est là pour gonfler la durée de l’album. Un bon point, c’est un disque qu’on peut écouter d’une traite sans lassitude. Mieux : les deux bonus à la fin du disque sont du pur Heavy/Doom à la Pentagram, à la fois hypnotique et exalté, et clôturent proprement l’album.
J’aime revenir à Storm Warning de temps en temps. Il n’est peut-être pas un classique du Rock, mais un pilier d’une certaine école du Doom. Cette façon de suivre Black Sabbath à la note près tout en aillant une griffe marquée me fascine, c’est tellement bien joué. Le passage du groupe au Fall of Summer 2017 va être un moment attendu, non sans raison.