Stup Virus
6.4
Stup Virus

Album de Stupeflip (2017)

Entendons nous bien. Stupeflip, j'ai les 3 premiers albums, dont le dernier en édition limitée, vendue avec le Terror Maxi en picture disc, j'ai deux t-shirts, et je les ai vus 2 fois en concert. Donc je pense qu'on peut dire que à la base "j'aime bien".


Sauf que voilà. Fin 2016, Stupeflip annonce un nouvel album. Là où l'annonce de The Hypnoflip Invasion m'avait rendu complètement hystérique, cette annonce m'a fait à peine soulever un sourcil de politesse. Pourquoi ? Je n'ai pas encore mis le doigt sur la raison. J'avais pourtant bien aimé The Hypnoflip Invasion, qui avait livré de beaux morceaux de bravoure. Le virage plus hip-hop de cet opus avait laissé certains dubitatifs, pour ma part j'avais trouvé que l'ensemble fonctionnait pas mal, d'autant plus que King Ju n'avait pas laissé de côté ce qui faisait l'identité de Stupeflip: un univers, des personnages, des chansons plus légères et pop, etc. Alors pourquoi un intérêt aussi limité ce coup-ci ?


Probablement parce qu'entre chaque album, s'écoule une très longue période où King Ju fait silence radio total et permet donc plus ou moins pour l'auditeur en manque de nouveautés de se tourner vers d'autres choses. C'est probablement ce qui m'est arrivé. Durant ce laps de temps entre "Hypnoflip" et "Stup Virus", j'ai découvert tout un pan musical, et notamment sur la scène française, dont je peux dire que Stupeflip m'a plus ou moins ouvert les portes: une scène musicale bruitiste, sans concessions, crade, rageuse... qui m'a procuré ce que Stupeflip ne donnait plus entre deux albums. Donc évidemment, quand King Ju avait annoncé son retour, j'avais de quoi faire, là où mes connaissances musicales en la matière étaient quasi nulles à l'époque. On peut reprocher ce qu'on veut à Stupeflip, d'être passés par une major, de pas être assez ceci, ou assez cela, d'être trop propres, d'être de l'underground de fils à papa, etc... Il n'empêche que je pense sincèrement qu'ils ont ouvert la voie à bon nombre d'auditeurs vers une autre scène musicale. Evidemment, bon nombre d'artistes n'ont pas attendu l'existence de Stupeflip pour arpenter les scènes de France, ou sortir bon nombre d'albums et d'EP sur des labels indés. Il n'empêche que je pense que Stupeflip peut avoir aidé à mettre en lumière ce genre de scène plus alternative.


Je parle je parle, je digresse mais du coup cet album ? Si tu es fin observateur, et que tu te jettes sur la note avant même de lire la critique comme sur un site de jeu vidéo, tu pourras aisément comprendre que la déception est au rendez-vous. Introduit par une pochette à l'illustration assez hideuse (où sont passées les sublimes peintures des trois premiers ?), accolée à un logo jaune criard (là où ce dernier ce faisait plus discret sur les précédent), on sent que quelque chose commence à clocher. L'album démarre par le premier single dévoilé, qui ne m'avait annoncé déjà rien de prometteur. Sonnant comme une version de travail de "Stupeflip Vite", pourtant excellent single du précédent opus, tout sonne comme du Stupeflip fatigué, répétant des choses que l'on a déjà entendues, sur une instru qui l'est tout autant. On passe rapidement à la suite, et rapidement on cerne le problème: cet album n'a pas grand chose à dire ou à montrer.


Je ne sais pas si c'était le cas sur les précédents albums - à la réécoute en tous cas, je n'en n'ai pas l'impression - et que mon esprit de fan aveuglé m'empêchait de m'en rendre compte, mais une énorme partie de cet album radote. Je peux même vous improviser quelques paroles si vous voulez: "Stup stup ça stoppe cric crac ça te fout en slop ça s'tape stup stup c'est super on est mieux que les autres Stip Stap Stup Krak Krak Krou Krou etc." A vrai dire, je suis même prêt à parier qu'on peut retrouver cette phrase telle quelle dans l'album, voire même de plusieurs manières avec un ordre de mots différents. J'exagère, mais c'est ce qui me reste en sortant de cet album. Au bout d'un moment, je n'en pouvais plus d'entre "Stup" ou "Crou" toutes les deux phrases. King Ju a même le culot de reprendre des phrases (voire même des couplets entiers!) de précédents morceaux qu'il a réintroduit ici. Je n'ai pas réussi à déterminer si c'était du foutage de gueule volontaire ou s'il s'était dit que personne n'allait le remarquer.


Du coup tout ce qui faisait le concept des précédents albums, un univers crédible et solide, est complètement évaporé ici. Stupeflip est devenu un album solo de King Ju. On pourra rétorquer que ce dernier l'a toujours revendiqué comme tel, mais il est trop seul ici, à répéter toujours les mêmes choses, sans vraiment varier les univers. Cadillac, Salo et Pop Hip manquent cruellement à l'appel. Ils sont sur cet album, mais trop peu. D'ailleurs, leurs interventions sont de vraies respirations dans cet album et leur apporte un peu de variété, et l'on retrouve ce qui faisait l'esprit des albums précédents. De même que, à mon sens, les meilleurs morceaux ne sont même pas les morceaux "majeurs", qui constituent le squelette principal du disque, mais les morceaux plus apaisés, planants, ou chantés. Peu nombreux, et même pas forcément considérables comme des "chansons" (Cf. "Pleure pas Stupeflip"), ce sont pourtant les meilleures parties de l'album, tout comme la chanson de Pop Hip, même si l'on regrettera une orientation plus "dépressive" de ce dernier.


L'album dure plus d'une heure, et aucun moment de gloire ne se fait sentir. La hargne a disparu, l'aspect crade aussi, le spontané... Ce qui faisait la force de Stupeflip n'est presque plus là. Cette hargne, cette crasse, cette fraîcheur, d'autres groupes de la scène alternative française, plus ou moins vieux, l'ont récupéré depuis: SIDA, Ventre de Biche, Strasbourg, Noyades, Diapsiquir (attention à ne pas trop leur dire, ils n'aiment pas trop être comparés à Stupeflip) et bien d'autres, ont réussi à entretenir cet esprit, à le prolonger, à le travailler, le faire évoluer. Tout l'inverse de Stupeflip qui semble essayer de convaincre mollement qu'il reste le numéro un. Mais on peine à le croire. Même le long morceau habituel de fin, qui faisait office de générique (King Ju a toujours considéré ses albums comme des "films") a disparu. L'album se termine par 5 minutes où l'on entend Julien essayer la voix synthétique que l'on entend tout au long du disque, avec des longues plages de silence. Tout semble, sur ce disque, être à l'image de ce que j'ai ressenti, l'ennui de quelqu'un qui ne sait plus quoi faire de son projet. Pochette peu inspirée, morceaux répétitifs, solitude prononcée... Le nouvel album de Stupeflip est triste, et pas dans le bon sens.


Pour être sincère, la note que je lui met est surévaluée, car je trouvais, à titre personnel, que ça valait moins. Il reste en moi de l'amour pour ce projet, ce qu'il m'a apporté dans mon adolescence, ce que j'ai vécu avec, d'où cette surévaluation. Il aurait été malhonnête aussi de dire que tout est à jeter, comme je l'ai dit un peu plus haut, certains moments valent le détour. Ils sont hélas trop peu nombreux pour que j'ai l'envie d'y revenir, et ainsi démêler tout un paquet de ronces pour avoir quelques brins de muguet à ramener chez moi. Je souhaite à King Ju de se remettre rapidement en selle et à se réinventer, à retrouver cette fougue qui faisait le début de son oeuvre. Je n'y crois pas trop, mais je l'espère. Si ce n'est pas le cas, tant pis, je le remercie malgré tout d'avoir existé et d'avoir apporté pas mal de choses, et aidé à bâtir certains de mes goûts musicaux. Je serai ravi de le revoir en forme. Mais perso, je suis déjà passé à autre chose.

MVCDLM
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le 5 mars 2017

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