carré gagnant

Et vlan ! Deuxième fournée officielle pour Otoboke Beaver. Formé à Kyoto en 2009 par quatre copines d’université, le groupe avait initialement semé une petite tripotée de démos et d’EP avant de livrer en 2019 leur véritable premier album Itekoma Hits, dont la durée (26 minutes montre en main) restait tout de même assez proche de celle d’un EP. Ce fut par ce biais qu’une bonne partie du monde (dont je fais d’ailleurs partie) apprit l’existence de ce petit gang déjanté et de leur noise-punk hyperactif. L’album s’était révélé un cocktail rare de furie braillarde et de gaudriole absolue, comme si le carré de potesses était tout bonnement incapable de rigoler sans systématiquement tout faire péter ou de rager sans prendre un pied phénoménal et, dans mon cas, fichtrement communicatif.

Ce second album est encore plus court que le précédent, culminant à presque 22 minutes d’écoute… pour pas moins de dix-huit titres. On pourrait débattre avec véhémence sur la légitimité d’une durée d’EP commercialisée en tant qu’LP si toutefois le rendu n’était pas aussi… diététique, disons. La durée des chansons s’échelonne entre 2 minutes 10 pour la plus longue et 16 secondes pour la plus courte. Je mets n’importe quel auditeur au défi de s’y ennuyer (pour peu que le punk hérissé façon riot grrrl vous soit agréable) mais également d’en réclamer davantage à l’issue de l’expérience… même si ce second cas de figure est sans doute le plus envisageable des deux.

C’est d’ailleurs ce qui fait l’intérêt de Super Champon. Là où son prédécesseur proposait la synthèse exubérante d’un savoir-faire perfectionné sur une dizaine d’années, ce nouvel album est plus digeste, concis et plus intentionnellement accrocheur. Le son d’Otoboke Beaver est à la fois chaotique, volcanique comme chez Guitar Wolf et incroyablement sophistiqué par son exécution technique qui pourra évoquer les grandes heures de Mr Bungle. Une comparaison excessivement flatteuse, mais qui me paraît tout à fait adaptée. La raison ? L’alliage habile d’une section rythmique virtuose et d’un duo-guitare voix constamment dans le rouge. Kahokiss, arrivée durant l’enregistrement de l’album précédent, est une batteuse d’une précision diabolique qui ferait des envieux chez la plupart des formations metal du marché. Les lignes de basse de Hiro-chan sont l’un des attraits singuliers du groupe, à la fois génialement catchy et complètement barrées ("Pardon?", "I Won't Dish Out Salads", "Leave Me Alone! No, Stay with Me!", gardons en tête que ces carambolages de notes au timing impeccable sont jouées sur une énorme Gibson Thunderbird par une petite japonaise d’un mètre soixante).

Bien entendu, les bourrinages saillants sont toujours de la partie ("George & Janice", "Dirty old fart is waiting for my reaction") mais on notera une conscience plus affûtée des moments mélodiques ("Yakitori", "Don’t call me Mojo") qui, couplée à sa durée lapidaire, garantit à Super Champon une grande efficacité d'impact. Il serait même légitime d’encourager ceux que le premier avaient laissés dubitatifs à renouveler l’essai avec ce second album. Il est entendu que le groupe n’a pas véritablement fait évoluer son approche stylistique, mais le dosage plus svelte de cette nouvelle livraison permettra sans doute aux auditeurs de mieux garder pied pendant le délire. Avis aux amateurs et aux curieux, pour autant que garder pied soit un concept qui vous enthousiasme.