Je n'ai qu'une seule chose à faire devant l'insondable violence et l'horreur diffuse cachées au sein de ce monde. Je n'ai qu'une seule chose à faire affolé par les monstres putrides tapis au fond des océans rougeoyant et affadis de Soleil, perdus dans des landes nauséabondes au brouillard accablant, enfouis dans de sombres et méphitiques cavernes, errant au cœur des plus hautes montagnes grises d'effroi, disséminés sur des landes improbables qu'aucun aventurier n'a jamais foulé, abîmés en chacun de nous sous la perception consciente de ce que l'on est. Je n'ai qu'une seule chose à faire !
L'âme n'existe pas et le maelstrom, la bouillie informe et primordiale, ce que l'on pourrait peut être appeler le chaos d'inexistence dans lequel je vais me fondre ne me donnera rien. Rien non plus qui puisse me convaincre de rester en face de moi même à regarder le miroir et ce qui se cache là bas tout au fond derrière les brumes de la psychose, de la névrose. Comment ne pas devenir fou lorsque on est conscient de l'insipidité, de la vacuité. Impossible d'avoir accès à ce prétendu bonheur après lequel ils courent, qu'ils ont eu si souvent dans leurs mains mais qu'ils n'ont pas vu ou préféré ignorer. Conscience ou inconscience magnifiée par les plus grands théoriciens de la psychanalyse. Ils sont des béotiens ! L'âme ne s'étudie pas. Pire l'âme ou la conscience de la vie est inutile. Le monde doit être perçu et vécu de manière animale, sauvage, brute et sans calcul. Les hommes ont tout gâté. Vais-je laisser mon inconscient me piloter tel un robot inepte, incapable de se contrôler, de regarder la lumière du jour, de sourire à ces gens qui m'entourent et qui au bout finalement, inéluctablement, invraisemblablement... ne me sont rien...des fantômes comme moi errant dans une errance aveugle, ignare de cette malédiction de l'âme rongée de vers. Conscient ! Je suis imprégné, imbibé de l'horreur poignante. Elle me noie, nous noiera qu'ils le veuillent ou pas ! Parfois je comprends le vent, il me parait vivant. Il m'apporte des messages de paix, me fait du bien comme ces tâches de lumière qui me maculent le jour ou ces éclaboussures d'ombres qui me salissent au crépuscule mais dès que le noir revient la peur ancestrale s'insinue à nouveau en moi et soulève un peu plus ce malaise indéfinissable que je pensais oublié.
Un pas, l'anneau autour du cou, encore un pas, je tombe dans le grand trou noir du Soleil !
Chris Cornell se suicide par pendaison à l'âge de 52 ans dans la nuit du 17 au 18 mai 2017. Il tombe dans ce magnifique "Black hole sun" qu'il avait écrit et qui nous avalera tous.