System of a Down est un groupe étrange : estampillé "néo metal" mais ayant toujours fermement rejeté cette étiquette ainsi que toute forme d'étiquette, jouit d'une popularité et d'une aura égale (si ce n'est supérieure) à un Metallica (si on laisse de côté le jugement assez peu pertinent de certains "puristes"), pratique une musique pour le moins violente et assez peu grand public (en théorie) et pourtant touche en partie ce dernier grâce à son énergie hors du commun et sa musicalité indiscutable.
Alors, System of a Down? Effet de mode passager qui a séduit les adolescents des années 2000 (à l'instar d'un Slipknot qui parviens encore à se maintenir en vie malgré tout) ou grand groupe intemporel qui n'a pas usurpé son immense succès? Je vous laisse seuls juges car je suis trop aimable et surtout trop modeste...mais non...franchement, c'est la deuxième face de l'alternative qui est la bonne. Moi même qui n'était franchement pas attiré par le metal il fût un temps...c'est par des écoutes persistantes de l'album "Mezmerize" que j'ai fini par accoutumer mes oreilles : il y avait ce qu'il fallait de mélodie pour rendre les moments de violence supportables et tout juste assez de génie pour que je finisse par y adhérer. Le moins que l'on puisse dire c'est que pour ce premier album, ce fût une toute autre paire de manche...
A une époque j'avais vraiment du mal avec ce premier album éponyme...et pourtant j'ai bien vite fini par l'admettre : c'est excellent, et avec les années il ne cesse de se bonifier c'est dire! Il faut dire que "System of a Down" est loin d'être l'album le plus "mainstream" du groupe (même si ce terme ne veut pas dire grand chose attribué à system) car il est lourd...bien lourd, et plutôt sombre globalement. Ce premier missile (album titre) du groupe est composé par des membres qui jouent ensemble et s'amusent réellement depuis maintenant quelques années (le groupe a été fondé 5 ans avant la parution du disque environ) et ça s'entend! Dès les premiers instants de "Suite-pee" (qui traite du thème des sectes), on se prend une rafale de patates dans la face et on en redemande : les premières notes de guitare qui ouvrent l'album sont complètement barrées (un peu dans la veine d'un "Mister Bungle" assagit) et font l'effet d'une farce avant que le riff principal vienne nous sauter au coup sans que l'on puisse résister à l'envie de secouer ce dernier. Le morceau montre assez bien les influences (nombreuses) du groupe qui développe pourtant un son et une approche très personnelle : du metal extrême (voire death) pour les quelques grognements occasionnels (et bien maîtrisés), de la fusion à la faith no more (pour le côté parfois rappé mais toujours mélodieux malgré tout au niveau du chant), et une lourdeur bien grasse que ne renieraient pas nécessairement les vieux groupes de heavy metal (les influences "orientalisantes" évoquant le pays d'origine de nos 4 héros sont encore discrètes mais palpables). La folie et l'humour (qui laisse parfois sa place au drame pur et simple) n'est pas sans rappeler non plus l'univers totalement déjanté d'un "Primus" mais System of a Down reste tout de même assez atypique tant la synthèse effectuée laisse place à un univers personnel, bien rares sont les groupes de néo metal à pouvoir rivaliser avec autant de talent et d'ingéniosité!
Daron Malakian est un guitariste hors paire au riffing toujours diabolique d'inspiration et de précision, il possède une vitesse d'exécution honorable et un flair mélodique qui sera toutefois un peu mieux exploité à l'avenir, le bassiste Shavo et le batteur Domalyan sont en parfaite osmose avec le reste du groupe, dès les premiers titres ("Suite-Pee", "Know"...), on est abasourdi par une telle cohésion rythmique qui ne fait aucun cadeau, tout s'impose avec force et évidence! Mais le petit "plus" du groupe reste indéniablement la fameuse voix de Serj Tankian qui, à l'époque déjà, semble capable de toutes les prouesses possibles : tantôt compteur, hurleur, chanteur d'opéra...le mec peut tout faire, et il le fait avec un timbre unique et immédiatement reconnaissable qui te reste bien dans les tympans. Les classiques ne manquent pas non plus (bien que ceux-ci ne soient pas les plus "vendeurs" de la carrière du groupe), si on ne cite que les plus connus : "Sugar" et sa violence laissant place à des parties groovys complètement barrées et se terminant dans un final apocalyptique ou le grandiose "Spiders" (presque une "ballade") sombre, théâtral, solennel et (presque) poignant mettent la barre déjà très haut!
Globalement la construction des morceaux est souvent "bipolaire" dans la lignée de Zappa (source d'influence immense et revendiquée par Tankian), ou même dans une moindre mesure Nirvana : couplets "calmes", refrains "gueulés"...on pourrait trouver ça lassant ou répétitif mais non même pas...le groupe trouve toujours le moyen de varier ses mélodies ou ses thèmes de telle manière que l'on y prend pas toujours garde : "Soil" nous gratifie, par exemple (chose rare) d'un solo de guitare du sieur Malakian et divinement inspiré en plus, et "War" (titre anti-guerre d'une violence assez intense) prend le temps de nous aspirer dans un pont théâtral où la voix de Serj alterne supplications et hurlements illustrant les absurdités de la guerre avant que la dernière mesure du morceau vienne nous achever. Pourquoi j'avais du mal avec ce disque moi déjà...? Ha oui...la deuxième moitié est un chouïa moins inspirée (mais à peine franchement) et euh...c'est l'album le moins "mélodique" malgré tout du groupe, le moins travaillé à ce niveau là : le son de guitare est lourd et étouffant (rien à voir avec Korn cela dit...), le groupe ne se paye pas encore le luxe de recourir à des harmonies vocales en duo avec Malakian par exemple (si ce n'est très discrètement à la fin du dernier morceau), c'est tout.
"System of a Down" est donc un album qui vieillit très très bien...inspiré, puissant, intense, violent et pourtant relativement accessible...même si le groupe fera encore mieux par la suite, il est inconcevable de ne pas l'avoir écouté au moins une (ou 35) fois dans votre vie.
Incontournable, tout simplement.