D'un côté, on a l'un des supergroupes les plus gratifiants musicalement parlant, avec un Keith Emerson diaboliquement efficace à la composition (et dont le talent à effectuer ses prouesses sur des claviers tient purement de la sorcellerie tant sa technique est chamarée au possible, rien que ça...), un Greg Lake particulièrement investi quant il s'agit d'aligner des riffs de basses avec l'une des voix les plus cristallines du rock progressif (en même temps, quant on a été chanteur sur le premier album de King Crimson, on n'a plus grand chose à prouver...) et enfin un Carl Palmer déchainé à la batterie qui ne perd pourtant jamais le tempo et le "Fill" de ses excentricités rythmiques.
De l'autre, on a l'un des albums de rock progressif les plus identifiables de par sa pochette d'album fichtrement bien illustrée, ceci pour accompagner le morceau-titre "Tarkus" instantanément culte de par sa complexité et méticulosité de composition en sept mouvements et sa technique surmaitrisé, à croire que chacun savait occuper parfaitement son espace lors de l'enregistrement.
C'est indéniable, l'alchimie fonctionne à merveille pour ce deuxième album qui repousse davantage ce que le premier avait déjà apporté... il s'en est fallu pourtant de peu pour que cet album voit le jour, tant Greg Lake avait du mal avec ce fameux titre qu'il jugeait "trop complexe et inaccessible", au point de refuser de l'enregistrer et de quitter le groupe dans un premier temps (quand même...). Mais moults péripéties ont quand même permis à cet album d'exister, et à raison, tant "Tarkus" est désormais un indispensable si l'on souhaite aborder la discographie d'ELP, et surtout indissociable de son identité (même leur label créé en 1973 se nomme Manticore, créature qu'affronte le "Tarkus", c'est dire...)
Indispensable... du moins pour la face A, car malgré quelques fulgurances techniques ("Bitches Crystal";"A Time and A Place"), deux pistes que l'on pourrait qualifier difficilement autrement que "catchy" ("Jeremy Bender";"Are You Ready, Eddy?") et un dyptique qui, pour le coup, atteint sans difficulté la seconde place du podium des titres de l'album ("The Only Way (Hymn) / Infinite Space (Conclusion)"), on ne peut pas vraiment dire que la face B soit à proprement parler mémorable : c'est qualitatif, certes, mais cela n'atteint pas la démesure et l'ambition de "Tarkus", qu'il est difficile de lâcher par la suite. Triste constat. Et ce n'est hélas pas les deux pistes inédites ressorties des années plus tard qui relèveront le niveau.
Un résultat doux-amer en définitive, qui pourtant n'ôte rien à l'aura de "Tarkus" qui reste malgré cela un classique qu'il faut obligatoirement écouter si l'on souhaite parcourir le panthéon du rock progressif comme il se doit !