Quand on parle de surprises en terme de jeux-vidéos, on parle d'un éventail large entre deux extrêmes : d'un côté, l'agréable surprise du jeu dont on attendait rien de spécial, voire même le pire et qui en l'espace de quelques minutes vous convainc sans trop forcer que vous aviez tort... et de l'autre, à savoir celui dont on esperait le meilleur devenant progressivement mais sûrement le fruit de nos plus grandes décéptions et frustrations. Et là, du coup... je suis un peu embêté, puisqu'il emprunte un peu de ces deux mondes tout en gardant une note plus que correcte de 7/10 dans mon estime, soit sensiblement plus que la moyenne réglementaire. Pourquoi ?
Tout d'abord, il faut savoir que c'est ni plus ni moins que Traveller's Tales qui se chargera de développer ce jeu... ce qui est à mon sens une EXCELLENTE NOUVELLE, puisqu'ils sont à l'origine d'un paquet de jeux parfois juste bons, quelques fois moyens mais aussi de nombreuses fois excellents avec une technique au poil, et ce dès la période des 16bits, avec entre autre "Puggsy", "Mickey Mania" (en passant, l'une des adaptations vidéoludiques de Mickey les plus satisfaisantes de cette époque) et "Toy Story", qui se voient tous gratifiés de certains graphismes en 3d numérisés extrêmements fluides, et ce alors que nous sommes encore sur support cartouche (bon c'est pas les seuls à faire ça, mais tout de même...). Et même s'ils sont à l'origine de deux jeux Sonic commandés par Sega themselves, dont le fameux "Sonic R", allègrement moqué de long en large par la communauté des joueurs (et pour des raisons plus qu'évidentes, entendons nous bien...), mais qui toutefois ne peut se permettre de formuler une seule critique négative sur ses graphismes et sa technique irréprochable, en particulier sur une Saturn n'étant à la base pas si calibrée que ça pour afficher des jeux 3D nets, à l'inverse de la Playstation dont c'était le taff principal.
Donc je le répète : Traveller's Tales, c'est pas n'importe quoi. Ce sont des gens qui débordent de savoir-faire et d'ambition. Donc savoir qu'ils sont aux commandes d'un jeu Crash Bandicoot, c'est plutôt réjouissant. Car sans retirer l'excellence de la trilogie originale de Naughty Dog ainsi que son spin-off version course de kart sur la Playstation originale, force est de constater qu'il était temps de réinjecter un peu de fraicheur et de nouveauté dans cette saga. Et malheureusement, Traveller's Tales ne l'aura pas compris avec sa première tentative qu'est "Crash Bandicoot: La vengeance de Cortex" qui se contente bêtement de reprendre les gimmicks classiques de la série sans trop prendre de risques. Que ce soit au niveau des mécaniques de gameplay ou de l'histoire, qui consiste en un bon condensé de ce qui avait déjà été fait précédemment avec pour seul véritable plus-value un relifting graphique étonnament moyen.
Mais là, on parle de "Crash Twinsanity", arrivant peu de temps après que Traveller's Tales ait changé totalement sa ligne de conduite suite à l'échec de l'opus précédent pour correspondre à ses valeurs initiales : à savoir la technique et l'ambition. Et là dessus, quel rattrapage.
Tout d'abord, passons sur ce qui saute immédiatement aux yeux : le jeu est graphiquement sublime et d'une fluidité exemplaire compte tenu des animations et des features qu'il propose (on parle quand même d'un jeu sorti en 2004, à la même période que "Ratchet & Clank 3", "Doom 3" ou encore "Halo 2"... et graphiquement le jeu n'a rien à leur envier). Ceci couplé avec une direction artistique des plus cohérentes dans un univers plus cartoonesque que jamais, avec d'un côté sur Playstation 2 des couleurs plus saturés et de l'autre sur Xbox des couleurs... bon, moins criardes mais avec une modélisation plus fine des décors, ennemis et personnages qui témoignent encore de la maitrise technique de Traveller's Tales. Ceci avec un énorme coup de coeur pour la musique du jeu, entièrement réalisé à la voix par le groupe Spiralmouth qui, non content de coller de manière symbiotique à l'univers du jeu, témoigne d'un gros tour de force tant certaines musiques sont bluffantes de techniques.
Mais creusons davantage pour constater qu'en terme de gameplay, l'on sort enfin de ces longs couloirs resserés qu'il faut traverser d'un point A jusqu'au point B pour partir sur des niveaux semi-ouverts, tout en se permettant de changer la finalité des niveaux (on ne les parcours plus pour ramasser toutes les caisses et récupérer les gemmes, mais pour connaitre la suite du jeu) qui s'enchainent les uns après les autres désormais. Finis les hubs menants aux différents niveaux. Et peut-être que cela semble dérisoire raconté ainsi, mais croyez-le ou non, cela fait du bien de dynamiter un peu ces mécaniques archaïques auxquels on a eu droit jusqu'à présent. Ceci allant jusqu'à étendre davantage l'aspect scénaristique pour proposer quelque chose qui sort du traditionnel affrontement Crash-Cortex que l'on a eu habituellement jusqu'ici droit jusque là pour les faire... travailler en équipe. Et soyons clair, il s'agit sans nul doute de l'un des meilleurs aspects du jeu, qui rappellera sans doute un certain "Whiplash" réalisé un an plus tôt par Crystal Dynamics.
Vous l'avez compris, il y a un potentiel énorme derrière "Crash Twinsanity" et beaucoup de points positifs à sa décharge... alors dans ce cas, il est où le problème ?
Il a été édité par Vivendi Universal.
Vivendi Universal ?
Oui, c'est ce que j'ai dit...
Ah merde...
Comme tu dis !
En effet, il faut savoir qu'au moment ou Naughty Dog a décidé mettre un terme à la réalisation des "Crash Bandicoot" pour se pencher sur les "Jak & Daxter", les droits de la saga ont été repris par Universal Studios, lui-même racheté par Vivendi...
Vivendi, leur logique d'édition, c'était d'allouer le moins de moyens possibles pour des timing de réalisation tout aussi restreints dans le but de maximiser le nombre de productions et leurs retours sur investissement. En témoignent des jeux comme "50 Cent: Bulletproof", qui dans ce cas a permis de réaliser un joli pactole surprise sur ce modèle.
On s'est donc retrouvé pour ainsi dire le cul entre deux chaises dans le cas de "Crash Twinsanity", avec d'un côté un studio méticuleux qui souhaite prendre le plus de temps pour peaufiner ce qu'il fait, et de l'autre une société d'édition voulant expédier le plus vite possible ses productions (en vrai, c'est plus compliqué que ça, c'est pour cela que cette information est à prendre avec d'énormes pincettes et que j'en parle de façon très factuelle...).
Et autant le dire : dans le jeu, cela s'en ressent grandement... on a pour ainsi dire pas l'impression de jouer au véritable jeu imaginé par Traveller's Tales...
Déjà parce qu'on peut dénombrer un bon nombre de bugs divers, et ce qu'ils soient graphiques (bugs de collision, problèmes dans les chargements de certains niveaux...) ou sonores (musiques ou sons qui ne se déclenchent pas au bon moment, voire pas du tout pour certains...), mais aussi parce que l'on sent que beaucoup d'éléments ont été coupés ou rushés par soucis de planning. Ainsi, si certains niveaux sont tout bonnement parfaits et complets, d'autres au contraire semble soit vides, soit incomplets (par exemple certains passages recyclés dans le niveau du surf pour les faire apparaitre plusieurs fois à la suite,ceci afin d'allonger le niveau). J'en veux pour preuve beaucoup de passages ou l'action se coupe parfois de façon nette et ou l'on passe à la suite... comme ça... de sorte à bien sentir qu'une cutscene ou qu'une partie de niveau devait à la base se glisser à cet endroit précis...
Ce qui est à mon avis la cause du plus grand défaut du jeu : sa durée de vie... nom de dieu, que c'est court. Et clairement, c'est sans doute pour cela que la difficulté s'en retrouve altérée, avec des moments d'une simplicité enfantine qui laisse place la seconde d'après à une difficulté digne d'un Lucifer +++.
Et malgré tout ces excellents points cités au début de cette critique, c'est avec une immense frustration que l'on termine ce jeu, en constatant à quel point la bonne volonté de Traveller's Tales a été sacrifiée par soucis de temps et de moyens. Et ce jusque dans les bonus générés par les gemmes ramassées dans le jeu, qui laisse entrevoir un très large éventail des éléments retirés du jeu (que ce soit des cutscenes, ennemis, décors et niveaux...) auquel nous aurions pu avoir droit si le développement avait suivi son déroulement initial. Et sans nul doute, nous aurions pu avoir le meilleur jeu "Crash Bandicoot" post-Naughty Dog, si Traveller's Tales avait eu plus de temps.
Mais finalement non... l'on restera plutôt avec cette citation de Néo Cortex avant d'entrer dans les quatres derniers niveaux du jeu, résumant bien à lui-seul ce sentiment d'incomplet : "[...]il devait y en avoir deux autres [niveaux], mais nous n'avons pas eu le temps de les finir."