Le metal français a finit sa traversée du désert. Des décennies a être synonyme de médiocrité pour que finalement les Gojira et Deathspell Omega viennent prouver au monde entier qu’il y avait aussi des groupes de qualité chez les gaulois et pas seulement des playmobiles. Avec des concerts à l’étranger et au prestigieux festival hollandais, le Roadburn, The Great Old Ones semble être parti sur la même route et ce n’est pas ce nouvel album qui va les faire dévier de cette trajectoire.
Toujours fidèle à la même thématique Lovecraftienne de son premier album, Al Azif, Tekeli-Li embarque le groupe vers les montagnes hallucinés, territoire des grands anciens. Avec leur premier disque on voyageait en terrain familier. Le groupe ne dissimulait pas l’influence de Wolves in the Throne Room et bien leur en fasse. En revanche, ce second disque les voit prendre leurs distances et s’affirmer comme une entité unique. Qualifier de Tekeli-Li de black metal, post ou non, serait presque le desservir tant la formation habite désormais un univers singulier.
L’introduction en français plante le décors avec un extrait du texte original interprété en français. S’ensuit un riffs à la Morbid Angel imbibé de dissonances lumineuses où le contraste des deux influences se mêlent pourtant harmonie. Puis, comme il se doit, la cavalcade rythmique débute après mais seulement pour un court instant. De façon très régulière, le rythme change constamment pour permettre aux mélodies de prendre toutes leurs ampleures. Les trémolos des guitares sonnent plus post rock que black metal mais ils ne dépeignent des envolées nuageuse mais un territoire hors le monde. La batterie sonne enfin le signal du grand départ à la fin du morceau quand elle part au galop tandis que les guitares reprennent le thème du morceau. On sent alors le sol s’ouvrir sous nos pieds pour nous ensevelir dans les crevasses de ces montagnes possédés. L’introduction est terminée et le voyage peut commencer.
Au delà de la confluence des diverses références, Tekeli-Li est surtout un disque avec une dimension narrative. Le groupe ne s’inspire pas seulement des textes de Lovecraft, il le mette en musique avec la même volonté de défier l’imagination de leur public. L’auteur est d’ailleurs représenté parmis les membres du groupe comme un collaborateur à part entièr. On comprends donc aisément que le groupe puisse se retrouver sur des affiches aussi variés que celle du Hellfest ou du Roadburn tant leur musique, aussi extrême soit-elle, échappe aux limites du genre pour s’adresser au public grâce à la puissance épique de ses compositions. La complexité de celles-ci dépasse largement celle de Wolves in the Throne Room pour s’aventurer plutôt dans le territoire de Gorguts sans être aussi alambiquée. Des thèmes mélodiques reviennent constamment et guident l’auditeur au cours de chaque morceau/chapitre. La technique et la complexité ne prennent ainsi jamais le pas sur la lisibilité.
L’alternance des trois voix permet à leur présence de ne jamais devenir lassante. En revanche, elles contribuent plutôt à la narration et n’offrent pas de décharge émotionnelle de part leur place en retrait. En revanche, la batterie évite tout les ecueils du metal extrême et du post rock par sa vivacité. Le musicien a bien conscience de tout les clichés auxquels il est confronté et use de tout son talent pour offrir un jeu très metal mais aussi très riche à chaque morceau. Comble du bonheur, le son de sa batterie est très naturel, même pour les passages les plus rapides, ce qui est assez inhabituel pour le faire remarquer.
Parfaite combinaison de puissance metallique et de luminosité post rock, Tekeli-Li ne réussit pas seulement un mariage mais obtient un univers neuf où des guitares sombres trempent dans une nuée électrique étourdissante comme sait si bien le faire Cyrille Gachet (Year of no Light, Bagarre Générale), producteur du disque. L’histoire décidera si on a affaire à un chef d’oeuvre mais pour l’heure je peux déjà affirmer que l’album figurera parmis les meilleurs de l’année.