Ten fabulous songs
Prouesse étonnante qu'un disque avec un son et des arrangements aussi mainstream (synthétiseurs, chœurs sirupeux et boite à rythme, proche des musiques d'aéroports, ce que les américains appellent...
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le 23 janv. 2015
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Peut-on prétendre sortir un new album construit avec des Old Ideas ? Si l’on se réfère à l’accueil dithyrambique réservé à ce nouveau disque de Leonard Cohen après huit ans de silence, la réponse est oui. Présenté ici et là comme son meilleur opus depuis The Future (1992), le consensus autour de Old Ideas semble discutable à deux égards : d’abord parce que ces nouvelles chansons semblent bien trop sages pour constituer un chef d’œuvre, ensuite parce que le très beau Ten New Songs, paru en 2001 après une même longue absence (neuf ans) réussissait autrement mieux le fameux exercice du come-back.
On ne saura peut-être jamais dans quelle mesure Leonard Cohen s’est réellement servi d’anciennes idées pour servir ces « nouvelles » chansons. Mais avec un tel titre, l’auditeur se doute qu’il ne faut pas s’attendre à un virage radical de la part de Cohen. Et on a alors à espérer qu’une seule chose : que ces vieilles idées ressemblent plutôt à celles de sa période bénie (1967-1979) qu’à celles des disques suivants, assez médiocres et englués dans le toc des années 80. Or Old Ideas ne revient pas du tout au providentiel schéma guitare-voix (si ce n’est sur « Crazy to Love You »), ni au foisonnement instrumental de New Skin for Old Ceremonies (1974) ou de Death of a Ladie’s Man (1977). On peut simplement dire que le disque rompt avec la douceur synthétique des deux précédents opus pour revenir à des sonorités instrumentales naturelles. Ainsi guitare, banjo, piano, orgue, cordes et batterie sont de nouveau de la partie, et se veulent volontiers caressants. Mais jamais nos poils se hérissent. Ces mélodies lascives sont assez inoffensives, et seules la voix et les paroles du poète sortent encore du lot. Soyons francs, Old Ideas ne ravive jamais la flamme des débuts, au mieux il nous évoque une jolie collection de faces B (« Going Home », « Amen », « Darkness », « Come Healing »).
Forcément décevant de la part d’un artiste qui a déjà su, il y a dix ans, se réinventer après une même traversée du désert (neuf années séparent The Future et Ten New Songs). Cette instrumentation du pauvre (claviers cheap, boîtes à rythmes) laissait presque penser que Leonard Cohen faisait son karaoké peinard dans un rade pourri. En dépit de cet aspect peu engageant, les mélodies étaient si belles (« In my Secret Life », « Here it Is », « By the Rivers Dark » et « Boogie Streets » en tête) qu’on en oubliait la forme un peu ringarde des chansons pour n’en retenir qu’une chaleur unique, pour le coup assez proche des débuts de Cohen. En somme ce qui reste de Ten New Songs c’est cette sensation, non pas de chef d’œuvre, mais d’album terriblement décalé, en marge de son temps, et qui semblait avoir été écrit par un artiste fauché. Leonard Cohen n’y faisait pas du neuf avec du vieux mais l’image qu’il renvoyait, elle, était neuve. Contrairement à celle véhiculée par Old Ideas.
Pour résumer on pourrait dire que le pari un peu osé de Old Ideas, chercher le renouveau dans des cartons poussiéreux, est à demi assuré. Soit, l’album est agréable et s’écoute sans déplaisir. Mais que l’on est loin de l’aventure, de la magie absurde de Ten New Songs qui réussissait justement à raviver l’image d’un homme dont l’agonie artistique ne semblait vouloir prendre jamais fin depuis le début des années 80.
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Créée
le 2 janv. 2019
Modifiée
le 12 juin 2024
Critique lue 153 fois
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