Un peu triste, ç'aurait pu être l'album de la consécration pour ce bon JT...

Au final, c'est juste très bien, ce qui n'est déjà pas mal, mais je ne peux m'empêcher d'être un poil déçu tout de même. Déjà, l'idée d'intégrer de la soul un peu pompière sur les bords (avec les cuivres, les choeurs qui dansent et font choo-bi-doo-wa en rythme, le kiff en live quoi) à la palette sonore déjà bien développée du bonhomme est sans doute la meilleure idée de cet album. Surtout que Justin est sacrément à l'aise dans l'exercice. Alors le voir passer de petites pépites comme That Girl ou Let the Groove Get In au plan-plan Mirrors casse un peu le charme.

Il y a aussi cette volonté de faire des morceaux long et/ou en deux parties, portée par les réussites du précédent opus, et de les caser sur tout l'album tant qu'à faire (en fait c'est juste le concept du CD, même le titre légèrement pompeux y réfère). Je salue l'effort (le suicide commercial ?), mais généralement, l'idée reste bien plus mémorable quand elle est appliquée à une piste un peu OVNI de la galette (Pyramids de Frank Ocean pour ne citer que celle-ci), quand on commence à en faire un système l'effet se dilue bien plus rapidement au fil de l'écoute. L'exemple symptomatique se retrouve dans la première partie de l'album, directement après l'efficace et direct Pusher Love Girl et le filler taillé pour la radio Suit & Tie (même si le verse de Jay-Z est plutôt cool, quoique pas vraiment original) : la (sainte ?) trinité Don't Hold the Wall, Strawberry Bubblegum, et Tunnel Vision.

La première me retourne le cerveau à chaque fois. Un R'nB crémeux aux accents de Curry, avec des réminiscences de Craig David dans la voix (méga-love), qui se transforme à mi-chemin en Jungle un peu trippante, un peu acide, complètement perchée, j'en redemande.
La seconde démarre sur un beat spatial, rythme lent, une berceuse bien cool, agrémentée de bonnes textures sonores et d'une maîtrise vocale indéniable. On secoue la tête en rythme, puis un interlude vient nous sortir de cette petite torpeur avec la légèreté d'un colibri. Interlude ? Ah non, pardon, il ne s'agit que de la cinquième minute du morceau. Pourquoi ne pas avoir séparé ce titre de 8 minutes en deux morceaux bien distincts reste un mystère, tant les ambiances différent et ne tiennent péniblement ensemble que par des paroles pas renversantes. Pour le coup, la seconde partie paraît un peu forcée et diluée du fait de sa parenté (le style de parenté que l'on cherche généralement à cacher, genre le cousin germain qui est sympa mais un peu à l'ouest) avec la première partie.
Enfin, Tunnel Vision, sympa, pour une B-Sides de FS/LS. Ici, pas de seconde partie à proprement parler, juste Timbaland complètement bourré (une fois encore ?), qui s'autoparodie, étire le morceau avec des segments inutiles, répète des blocs et textures à l'infini, jusqu'à irritation cutanée du canal auditif.

C'est d'autant plus dommage pour la piste suivante, Spaceship Coupe, qu'après avoir écouté un truc aussi bateau, on a envie de se défouler, et ce "machin" mielleux, indigeste, arrive et s'étire sur plus de 7 minutes sans raison. Un titre inoffensif, qui donne malgré tout envie de taper dans un mur quand on le compare aux sons d'André 3000, qui te vendent du rêve en même pas 4 minutes bien souvent.

Je suis très critique, mais il y a plein de bonnes choses dans cet album. Le problème, c'est que ces bonnes choses se retrouvent cernées par des titres à qualité variable. Il y a des morceaux très directs (That Girl, Dress On et Body Count sur l'édition deluxe, qui auraient mérité finir sur le pressage standard de l'album) qui sont parfaitement dans le ton JT et qui n'auront aucune difficulté à cartonner à la radio, il y a des titres plus expérimentaux parfaitement réussis qui expriment le son de la galette (Pusher Love Girl, pas renversante mais bien exécutée, Don't Hold the Wall donc, Let the Groove Get In avec son outro Disco-Funk Eurodance imparable, et Blue Ocean Floors), et puis il y a le reste. Pas désagréable, mais pas transcendental pour autant, des fillers sans grand génie qui pour le coup auraient gagnés à être raccourcis.

Qu'on ne s'y trompe pas, Justin Timberlake reste l'un des seigneurs actuels de la Pop (même si certains concurrents commencent doucement à lui chatouiller les narines), grâce à sa palette sonore plus que variée, complètement hétéroclite, et à sa maîtrise technique indéniable, et ce en l'espace de même pas trois CDs. Mais en écoutant son dernier album j'ai (encore) l'impression qu'il essaye de trop en faire, qu'il se cherche en permanence, avec des résultats aléatoires. Je suis un peu nostalgique de cette époque où il pouvait claquer un Rock your Body tout en (fausse) spontanéité et soulever les foules, et je l'admire en même temps pour sa capacité à avoir en permanence un temps d'avance sur tout le monde. Paradoxe, en voici un d'1m85.

En fait j'attends surtout ce moment où il va dégager l'étiquette Pop qu'on lui colle souvent à tort, et qu'il va commencer à se lâcher dans toutes les directions sans retenue. Cet album représente une première étape parfaite pour cela, et après la douche froide que le grand public risque de se prendre à sa sortie, on peut espérer voir arriver un nouveau Justin Timberlake dans les prochaines années. C'est tout le mal que je lui souhaite.
HarmonySly
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs albums de 2013

Créée

le 16 mars 2013

Critique lue 910 fois

26 j'aime

4 commentaires

HarmonySly

Écrit par

Critique lue 910 fois

26
4

D'autres avis sur The 20/20 Experience

The 20/20 Experience
Théo-C
7

The Timbo' Experience

Décidément, ce Timbaland est un sacret taré, il n'y a pas à dire ! Un musicien capable de tout nous faire, de l'excellent au médiocre, en passant par le juste correct. Mais il faut croire que le...

le 18 mars 2013

12 j'aime

The 20/20 Experience
flowers_hewson
6

Une petite prise de risque

Franchement je ne connaissais pas assez la musique J. Timberlake, à part ses plus grands hits, ce n'était pas vraiment ma came. Je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre. J'espérais du groove, du...

le 25 mars 2013

4 j'aime

The 20/20 Experience
Shortlegg
5

Critique de The 20/20 Experience par Shortlegg

Pitchfork a mis 8,4. What ? really ? Je suis donc aller voir comment un chanteur que j'estimais au mieux au rayon alimentaire-pop réussi à être sur pitchfork ET dépassé le 5. J'ai donc écouté l'album...

le 25 mars 2013

3 j'aime

Du même critique

Portal 2
HarmonySly
10

I'm in spaaaaace

Critique garantie sans spoiler. C'est certainement présomptueux de noter d'un joli 10 un jeu que l'on a fini comme un goinfre le jour-même de sa sortie, mais pour Portal 2 j'ai envie de faire cette...

le 20 avr. 2011

153 j'aime

29

Sucker Punch
HarmonySly
2

Les aventures de Zack & Steve (Warning : Spoilers Ahead !)

« John ! John ! John ! Cʼest affreux ! Cʼest horrible ! Cʼest... » En entrant dans le bureau, John tombe sur son collègue, absorbé dans la lecture dʼun livre. « Mais, John, tu lis ? What the fuck ? -...

le 31 mars 2011

143 j'aime

89

Her
HarmonySly
10

Ghost in the Machine

(Je tiens à préciser que je tâcherai d’écrire cette critique en évitant tout spoiler gênant, mais difficile de parler d’un film aussi riche sans dévoiler quelques éléments d’intrigue. Par avance, je...

le 16 janv. 2014

129 j'aime

51