The 2nd Law
5.2
The 2nd Law

Album de Muse (2012)

Si, en ce temps de crise de l’industrie du disque, lancer un nouveau groupe sur le marché est aussi risqué pour un label qu’un énième plan d’austérité pour les grecs, ou qu’une prise de risque du gouvernement, l’annonce d’un nouveau disque de Muse est synonyme de réjouissance exacerbée pour leurs auditeurs et de rentabilité assurée pour leurs employeurs. Car oui, Muse est aujourd’hui considéré comme « le meilleur groupe rock actuel » selon la vox populi (et certains journalistes français qui mettent dans le même panier rock Indochine et les Rolling Stones), en témoigne le succès colossal de la dernière galette du groupe, « The Resistance » et la tournée gigantesque avec deux Stade de France complets qui donneraient presque la nausée (encore) à Lady Gaga.

« The Second Law », sixième album, est donc arrivé dans nos bacs et fut très longtemps en tête des ventes de notre cher Hexagone qui surprend parfois par son bon goût, quand on sait que le rock est à notre culture ce qu’est Michel Drucker à la méchanceté, à savoir un concept plutôt flou. Si l’augmentation des ventes des disques du groupe est chronologique, chaque album ayant un succès plus important que le précédant, il est intéressant d’observer que la qualité musicale semble au contraire décroître au fil des différentes galettes parfois déguelées par Matthew Bellamy et ses acolytes. Et aux fanatiques absolus Musiens qui me diront que ces derniers tentent de se renouveler, de ne pas faire la même chose, je répondrais par mon accord sur le fond mais en faisant part de ma protestation sur la forme.

Il est évident que la force d’un groupe réside dans sa capacité à proposer à chaque album quelque chose de radicalement différent ou ne serait ce qu’une légère concession artistique sur le son, la production, tout en gardant la même qualité voire carrément l’améliorer par rapport à la précédente livraison, ceux n’arrivant qu’à resservir la même soupe ne passant généralement pas le cap (qui se souvient du 2e album des Kooks ?). Les rares exceptions confirmant la règle ne tiennent que par des légendes Bon Scotiennes. Le talent étant tout naturellement de garder toujours une patte, une griffe propre au groupe qui se retrouve sur chaque nouvelle chanson, qui permettrait à n’importe quel néophyte de reconnaître l’artiste. Quoi de commun donc, entre « Showbiz », premier effort discographique de Muse, et « The Second Law » ? Et bien… Uniquement les membres du groupe, et peut être la voix du chanteur, quoique plus grave et plus retenue (oui, oui, retenue).

Car oui, osons le dire : ce même néophyte écoutant la dernière bouillie auditive des Black Eyed Peas serait bien capable de penser qu’il ne s’agit pas du même artiste. En effet, il existe peu de groupes qui ont su écrire un « Uno » et nous gerber « Follow Me », titre surfant sur la mode dubstep ayant envahie nos radios à la sauce niaise, saupoudré de sons électroniques tous aussi indigestes qu’une assiette de charcuterie avariée ; composer un « Citizen Erased » et nous pondre « Panic Station », parodie de Stevie Wonder et de Prince ? Il y a bien Coldplay, qui est parvenu à nous faire un disque encore plus mauvais que « Viva la Vida », poussant le vice à chanter avec Rihanna dont on pensait que les coups de Chris Brown avaient suffi à la faire taire. Oui, hurlez, huez, bande de moules, je préfère me replonger dans « The Bends » plutôt que d’écouter n’importe quel titre de « The King of Limbs » quitte à passer pour un aigri sur le mode « c’était mieux avant ». Car, oui, Muse avec des guitares crades était bien plus séduisant que Muse avec des nappes de sons programmés par ordinateur.

Pourquoi alors certains groupes réussissent aussi bien leur transition discographique que la gauche parvient à nous imposer « sa » TVA sociale ? A trop vouloir élargir son public, ne pas tomber dans une routine poussant au suicide commercial, Muse en a perdu ce qui faisait sa force : réussir à allier rock mélodique et envolée lyriques sans ne jamais paraître ridicule, toujours à la limite mais réussissant à introduire un riff aussi tranchant que celui d’un Tom Morello. Une énergie unique que nous retrouvions lors de leurs premiers concerts (le DVD « Hullabaloo » capté lors d’un concert à Paris il y a dix ans en est la parfaite illustration), lorsque Bellamy avait encore une folie comparable à ses choix capillaires. Muse réussissait également à maintenir une cohérence au fil des titres des premiers albums, confinant un univers bien particulier. Qui pourrait dire si « The Second Law » est un disque de rock, de pop, d’électro, de rock-prog, de space-rock ou de tout autre genre inventé par un chroniqueur des Inrocks ou de feu Voxpop ? A trop vouloir faire plaisir à Monsieur Toutlemonde, Muse en a oublié l’essentiel : faire plaisir au premier de leurs fans, à savoir votre serviteur.
Matthieu_Petit
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le 9 avr. 2013

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Matthieu Petit

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