Comme en témoignent les différentes reviews qui sont parues la semaine suivant sa sortie, The Astonishing est l’exemple typique de l’album qui divise. « Génial », « ennuyant », « ambitieux », « long », « mélodique », « niais », peut-on lire. Autant de qualificatifs révélateurs de la place que tient la subjectivité dans l’appréciation de ce genre d’album.
C’est en gardant cette idée en tête que je présente un avis assez partagé. Car il y a assurément du bon et du moins bon dans The Astonishing, qui est pour moi synonyme d’admiration autant que de déception.
Premier volet : la musique
D’emblée, la volonté de relativiser la technique, qui reste excellente soit dit en passant, au profit de la mélodie est respectée, et ce n’est pas pour me déplaire. La formation a fait ses preuves et décide donc de laisser de côté une technicité parfois un peu froide pour se concentrer sur le développement de ses thèmes, ce qui sied plutôt bien à l’idée d’un opéra-rock de cette envergure. D’autant plus que le groupe s’est entouré de l’orchestre philarmonique de Prague qui donne une forte orientation symphonique aux compositions. Les arpèges et les solos de Petrucci laissent rêveurs, le piano/clavier toujours convaincant, et quelques riffs tabassent bien que trop rares à mon goût. Dommage cependant que Myung se retrouve noyé sous ce déluge d’instruments et que Mangini, bien que faisant le job, ne soit jamais vraiment percutant.
En revanche, c’est James Labrie qui tire clairement son épingle du jeu au milieu de cette immense fresque composée de nombreux personnages auxquels il parvient à donner vie. Il sort davantage de son registre habituel, s’essayant à des chants plus graves et forcés, mais toujours avec une certaine retenue. Alors il y a encore trop de personnages pour un seul homme à mon avis, et il reste parfois difficile de distinguer qui parle, mais la performance mérite d’être mentionnée.
Finalement, le principal reproche qu’on fera à The Astonishing, c’est son manque d’originalité. Je ne connais pas toute la discographie du groupe, et j’ai pourtant entendu pas mal de réchauffé. Alors je ne vais pas mentir : j’aime ce que fait Dream Theater et la recette reste la même, donc fatalement j’aime cet album. Pour autant, on n’aurait pas craché sur un peu de nouveauté, un peu de surprise, et au vu de la carrière du groupe, on peut légitimement l’en penser capable.
D’autant plus qu’avec ses deux actes, ses 34 pistes et ses 2 heures 10 de musique, on a quand même affaire à un sacré morceau qui connait quelques longueurs causées par la pléthore de power-ballades qui le parsèment. Je fais parti de ceux qui adorent des titres comme Wither, Goodnight Kiss ou The Spirit Carries On mais la surabondance de pistes de ce genre dans The Astonishing à tendance à lui donner un rythme qui manque de pêche. Un album plutôt lent et bavard dont les pistes en elles-mêmes peinent à marquer, les fulgurances se retrouvant étonnamment dispersées ici et là, au sein de morceaux comme A Savior in the Square, Three Days ou A New Beginning, entre autres.
Second volet : le concept
Malheureusement, c’est sur ce point que The Astonishing se rate, d’où mon immense déception. Car si je pardonne volontiers les quelques longueurs de la galette, voire même son manque d’originalité, le concept me fait l’effet d’un immense potentiel gâché.
Un petit point sur le contexte : propulsés 250 ans dans le futur, vous voilà dans le Great Northern Empire of the Americas dont la noblesse corrompue règne en tyran, menaçant la liberté des hommes. La seule source de divertissement réside dans les NOMACS, les Noise Machines, sortes de drones volants qui génèrent une musique s’apparentant davantage à du bruit électronique. L’espoir renaît alors en un jeune homme doté du don de musique…
Dévoilé avant la parution de l’album, le background promettait un concept puissant. J’y voyais déjà une critique bien sentie d’une musique qui se serait enfermée dans des schémas préétablis pour finir générée par des ordinateurs qui l’aurait dénuée de tout sens mélodique. J’espérais entendre l’histoire d’une dualité entre ces sons digitalisés, robotisés, conséquence de l’évolution de notre modèle culturel, et d’une musique faite par l’homme et non par le système, faite avec le cœur et les trippes, vectrice d’émotions et qui se suffit à elle-même.
Voilà, j’attendais une histoire porteuse de sens. Or, à mon avis, The Astonishing passe complètement à côté de son sujet, nous servant à la place une parodie de Roméo et Juliette façon Disney. Car derrière son enrobage qui semblait convainquant, The Astonishing n’est ni plus ni moins qu’un conte romantique bien cliché dans lequel les fameux NOMACS sont relayés à une place de second plan. À ce titre, la narration et les lyrics sont rarement convaincantes, et au contraire parfois franchement naïves pour ne pas dire cucul… Conséquence de ce style pompeux : l’émotion prend difficilement, pourtant je suis demandeur. Et ça me coûte de l’admettre venant du groupe qui a pondu des textes aussi percutants que ceux de 6DOIT.
Le concept est sous-exploité et simplement pas à la hauteur de ses ambitions. Pour la première fois un album de DT en imposait vraiment et semblait pouvoir défier Scenes from A Memory. Mais une fois en main, le constat est clair : on en est très loin.
Conclusion
Alors voilà, The Astonishing est décevant par bien des aspects, mais qui dit décevant ne dit pas forcément mauvais. À mesure des écoutes, je me rends compte que je l’aime bien quand même. Sans surprise, c’est un album qui s’apprivoise, qui se bonifie avec le temps et qui a une identité forte. Il ne tient certes pas toutes ses promesses mais il s’en sort plutôt pas mal.
« Il faut toujours viser la lune, car même en cas d'échec, on atterrit dans les étoiles », disait Oscar Wilde.